Propos sur l’Architecte

Sous titré : « Manuel de géométrie sacrée à l’usage des francs-maçons et autres cherchants.»

Auteur : Umar. Ed. Télètes. Avril 2007

par Pierre Lachkareff

Dès l’abord nous sommes prévenus. Dans son avertissement l’auteur écrit : « ceux qui ont déjà pris le parti d’ignorer voire de rejeter l’œuvre de René Guénon ne tireront aucun profit du présent ouvrage dont les références les plus importantes s’appuient presqu’en totalité sur cette œuvre. » On pourrait en effet s’arrêter là et refermer le livre. Cependant il présente l’intérêt de nous informer sur certaines tendances d’un courant maçonnique qui quoique plutôt minoritaire n’en conserve pas moins aujourd’hui une certaine influence. Un passage est très significatif -avec une nouveauté semble-t-il- de la perception de la F.M. par ce courant. « Même si le monde moderne ne donne plus l’occasion de pratiquer des métiers dont l’objet et les outils peuvent être support de méditation et constituer des symboles agissant aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur, il n’en demeure pas moins que ce n’est pas par simple fantaisie humaine que s’est effectué le trop fameux, mais incompris, passage de l’opératif au spéculatif, mais bien sous l’effet providentiel d’une grâce divine dont peu se rendent compte. Car ce passage, tant déploré, fut tout simplement une transmission de l’essentiel afin que (…) La franc-maçonnerie puisse conserver intact et précisément l’essentiel de son formidable dépôt initiatique de métier. » Ainsi, selon l’auteur, la « dégénérescence » de l’opératif au spéculatif se transformerait en quelque sorte en « felix culpa ». C’est, quoi qu’il en soit, sur une certaine idée du « métier », et sa valorisation en tant que seul véritable porteur de métaphysique, que repose l’argumentation du livre. On ne s’étonnera donc pas de voir contester les systèmes de hauts grades et leurs promoteurs : « car sous prétexte d’explorer les « états supérieurs de l’Être », avec alors bien peu de chance d’y parvenir, ils ont abandonné l’enseignement symbolique du métier, le reléguant dans le domaine du psychique qu’ils étendent, à contrario, jusqu’à l’état d’Homme primordial, par la totale incompréhension de la hauteur de ce que cet état représente (…). » De même, dans un court chapitre intitulé : » Des Symboles et des Rites » l’auteur rappelle que les figures géométriques qu’il propose à la méditation des « cherchants » doivent être « exécutées manuellement ». Et il ajoute : « (…) c’est ici le lieu de rappeler une importante affirmation de Guénon dans ses Etudes sur la Franc-Maçonnerie et le Compagnonnage : « Si le grade de Maître était plus explicite et si tous ceux qui y sont admis étaient plus véritablement qualifiés, c’est à l’intérieur de ce grade que les développements devraient trouver place, sans qu’il soit besoin d’en faire l’objet d’autres grades nominalement distincts de celui-là. » Or c’est l’unique objet du travail de la méditation sur les symboles de la Géométrie Sacrée que d’apporter ces développements capables d’enrichir considérablement le grade de Maître (…). » Nous ne saurions –pour employer le nous guénonien qui est aussi celui de l’auteur- nous aventurer à commenter les démonstrations géométriques et mathématiques qui forment le corps du livre et encore moins à en évaluer la pertinence, ignorant que nous sommes en ces matières. Nous signalerons encore le chapitre X, « Un architecte qui ne construit rien », qui est une méditation curieuse sur le corps d’Hiram et l’Identité suprême. Ajoutons enfin que l’ouvrage est ponctué de maintes reproductions de la fameuse formule : « Gloire au travail ! » ce qui laisse un peu rêveur quand on sait le contexte si peu traditionnel au sens guénonien du terme, où est apparue ladite formule.


Note :

  • Cf. un rapide compte-rendu in Initiations Magazine, n° 18, Octobre/Novembre 2007, p. 10.

Discussion :

Cet auteur guénonien, collaborateur de la revue Vers la Tradition, présente la mutation de la franc-maçonnerie de sa dimension opérative à sa dimension spéculative comme véritablement providentielle. On s’empêchera pas cependant de penser qu’en matière de pensée guénonienne comme en tant d’autres domaines, l’original vaut mieux que la copie.