Apprenti. Des Ténèbres à la Lumière

2008, auto-édition, par Xavier TACCHELLA, préface de Jean Marie LUPART, GMG de l'OITAR

par Marc Mirabel

Cet ouvrage a été écrit par un frère qui appartient à l'Ordre Initiatique et Traditionnel de l'Art Royal, organisation maçonnique créée il y a plus d'une trentaine d'années.

Il était donc intéressant d'avoir à notre disposition un livre reflétant le point de vue de l'OITAR et précisant quelle est sa place dans le paysage maçonnique français.

Hélas, il n'en est rien et nous devons avouer notre déception à la lecture de ce travail.

Pas une ligne n'est consacrée à la genèse de l'OITAR, on ne saura rien du processus intellectuel et initiatique qui a conduit des FF. appartenant à une loge du GODF ("Les Hommes") à s'en séparer pour créer non seulement une nouvelle structure, chose courante dans la Maçonnerie continentale, mais surtout, ce qui l'est moins, à créer un nouveau rite.

Le Rite Opératif de Salomon (R.O.S.) est en effet le fruit du travail de recherches de certains FF. dans les années 1970 et c'est le seul rite pratiqué par l'OITAR. Serait-ce sa seule spécificité ?

L'impression générale laissée par ce livre est celle d'une grande confusion.

Sur la forme, on a le sentiment qu'il a été écrit « à la va-vite » et n'a pas été relu.

Sa composition laisse à désirer, pas de grands chapitres mais une succession de paragraphes traitant de divers sujets dans un ordre pour le moins chaotique...

Comme son titre l'indique, il se veut le livre de l'Apprenti, titre emprunté à d'autres auteurs maçonniques que nous connaissons bien.

Il faut savoir que l'OITAR compte deux grades d'Apprenti :

Apprenti entré

Apprenti enregistré

Le premier stade est en fait une sorte d'initiation mineure qui n'aboutira qu'au moment où le Frère sera reçu Apprenti Enregistré. En fait, on pourrait dire que la plénitude de l'initiation maçonnique ne lui sera conférée qu'au moment où il entrera pour la première fois dans une loge d'Apprenti Enregistré et où on lui remettra son tablier.

Les spécificités propres à l’OITAR semblent se réduire à une terminologie particulière empruntée pour la plus grande part au compagnonnage où à ce que son auteur s'imagine comme tel.

Le vocabulaire compagnonnique est omniprésent avec des expressions telles que « Galerie », « Carrière », « Chantier », etc.

Le frère qui dirige une loge porte le titre de V M d'Oeuvre (V.M.O.).

La liste des officiers se distingue par l'appellation des surveillants, il y a le Surveillant Ancien

(le 1er)... et le Nouveau Surveillant (le 2ème). Le reste des officiers étant pratiquement ceux que l'on trouve au sein des loges de la maçonnerie continentale.

On reste sur la désagréable impression que la spécificité du R.O.S., finalement, c'est de ne pas en avoir !

Pas une page où l'auteur ne fasse référence au REAA, au RER, au Rite (sic) Émulation, au Rite Français... etc...

Si ce frère, au demeurant plein de bonne volonté, avait voulu nous faire comprendre que le Rite Opératif de Salomon était un assemblage de bric et de broc, il ne s'y serait pas pris autrement !

Et ce n'est pas cette obsession pour un compagnonnage mythifié qui nous rassurera...

Car, après tout, ce n'est pas parce que l'on signe "Quercynois, la fidélité du Métier " que l'on est autre chose qu'un maçon spéculatif.

Souvenons nous de la "Worshipfull Society" qui a beau se faire appeler "The Operatives " et n'en est pas moins partie prenante de la maçonnerie spéculative en sa branche des side degrees.

Toutes les parties "symboliques " de cet ouvrage, fleurent bon la lecture des grands classiques tels que WIRTH, BOUCHER ou BAYARD, ce qui n'apporte pas d'éléments nouveaux, c'est le moins que l'on puisse dire.

Cette critique sévère n'est que le fruit de notre désillusion à la lecture de ce qui est la première " production " de l'OITAR car il y aura, bien entendu, un livre du Compagnon, suivi d'un livre du Maître...

Notre seul souhait est que l'auteur, conscient des carences de son livre puisse faire en sorte de nous fournir des matériaux plus conséquents et mieux ordonnés afin que nous ayons une compréhension réelle de ce qu'est l'Ordre Initiatique et Traditionnel de l'Art Royal.

Discussion :

Xavier Taccella est le webmaster du site de l’OITAR. A ce titre il peut être considéré comme représentatif de l’obédience. Celle-ci, née en 1974, se distingue, entre autre, par la pratique d’un rite spécifique, le Rite Opératif de Salomon qui comporte neuf degrés répartis en trois Ordres : 1° Ordre Oeuvrier des Bâtisseurs du Temple (Apprenti, Compagnon, Maître, Maître Secret, Maître Maçon de la Marque, 2° Ordre Chevaleresque du Temple de Salomon (Chevalier de l’Arche Royale, Chevalier Rose-Croix) 3° Ordre Intérieur du Saint Temple (Passeur de Lumière, Maître du Nom Ineffable). Sans se montrer exagérément critique, on peut dire que ce rite est hétéroclite. Se voulant « opératif », l’obédience se méfie des « intellectuels » et, dans une certaine mesure, ce livre l’illustre tant il est navrant. Bien qu’il se montre ignorant de l’histoire de la tradition maçonnique et s’en fasse gloire, cet ordre se développe en France.

L’histoire de cet ordre montre comment se constitue un rite maçonnique aujourd’hui. A l’origine, il y a des hommes. Le fondateur, Jacques Lapersonne, marchand de décors maçonniques, déclarait : « j’ai tout appris de la LNF », il voulait parler de René Guilly qui, en paraphrasant un homme politique contemporain, aurait pu lui répondre : « je lui ai tout appris mais il n’a pas tout compris ». De fait, cherchant à créer un rite maçonnique qui serait le plus proche possible des origines de la franc-maçonnerie mais oubliant malheureusement le conseil maçonnique dispensé au 1er grade du régime écossais rectifié préconisant de séparer qui doit être distinct, il aboutit à un système hybride mélangeant toutes sortes de traditions maçonniques et même compagnonniques dans une incroyable confusion intellectuelle. La méthode de travail de René Guilly était tout le contraire car, si un peu d’histoire positive semble éloigner de la tradition, beaucoup d’histoire y ramène. Pour nombre de frères de l’OITAR aujourd’hui, ce rite semble le plus « vrai », de temps immémorial, comme venu directement du Ciel. Or ce rite a bel et bien une histoire.