par Pierre Lachkareff
Il s’agit là de la publication des actes d’un colloque tenu en novembre 2003 sur l’impulsion de la Chaire Théodore Verhaegen de l’Université libre de Bruxelles. Il regroupe 17 contributions. Ce colloque avait pour but, selon Luc Nefontaine préfacier, « de remuer une grande partie de ce que la franc-maçonnerie porte en elle de philosophique et d’idéologique (…) et (le colloque) a révélé bien des choses enfouies dans un inconscient collectif qui se croyait à l’abri des secousses du siècle. » Si la philosophie, note le préfacier, s’est depuis longtemps invitée en loge, la dimension idéologique de l’institution reste plus problématique. À travers les discours qu’elle produit et a produit dans le passé, il s’est agi « à la fois de traquer l’esprit de système présent dans la franc-maçonnerie et de décrypter les idéologies sous-jacentes de ceux qui en sont membres. » Le préfacier ajoute : « la diversité des thèmes abordés, le caractère résolument international du colloque, les garanties de scientificité posées constituent le meilleur garant d’une approche novatrice et bénéfique. » En effet, la biobibliographie en fin de volume en fait foi.
Ces actes comprennent donc :
Il faut y ajouter la reproduction en couleur de 16 caricatures anti-maçonniques du « Pèlerin » datant de la grande bataille de la séparation de l’Eglise et de l’Etat en France avec un commentaire par Jean-Luc Lemercier sur ce périodique. Toujours réjouissant à contempler !
À noter la très passionnante contribution d’Andrew Prescott. Il montre, à travers de brèves biographies de personnages célèbres de l’histoire maçonnique anglaise comme Preston ou Stukeley, mais aussi et surtout de beaucoup moins connus comme Godfrey Higgins, John Baxter Langley et Sir Herbert Dunnico, que les relations entre religion, mouvements sociaux, maçonnerie, et couronne britannique, sont infiniment plus complexes, voire conflictuels que ne le soupçonnent habituellement les maçons français, ceci jusqu’à nos jours.
À noter encore, dans les contributions longues, celle de P.F. Ryziger, à propos de l’exemple du président Truman. On y mesure à quel point, là aussi, le fait de mettre les maçonneries anglaises et américaines dans le même sac « anglo-saxon » empêche de comprendre la complexité, voire l’essentialité, des différences.
À noter encore, parmi les contributions courtes, celle de Ludovic Marcos, très réussie pédagogiquement, sur le conflit maçonnique surtout français entre le « syndrome de l’âge d’or » et la « création d’un cadre des possibles » (…) qui rendra plus tard les maçons « relais et héros d’une lecture du monde qui place le progrès au centre de tout ». Enfin, celle de Baudouin Decharneux, « quelques propos pour maçon hérétique », qui interroge malicieusement les torsions et les métaphores des notions de dogme et de doctrine dans l’Ordre. Un certain nombre de contributions, ce qui est normal vu le lieu du colloque, s’attachent à la maçonnerie en Belgique, nous rappelant, s’il en était besoin, que la patrie du marquis de Gages est une terre puissamment initiatique.
Ce colloque apporte-t-il quelque chose de radicalement nouveau ? Peut-être pas, mais il montre à quel point, à partir d’un socle historique sérieusement établi, on peut espérer construire une « maçonologie » digne de ce nom.
Un ennui, hélas. Cette intéressante revue qui a déjà consacré un certain nombre de numéros à la Maçonnerie n’a pas de distributeur en France ! Toutefois on peut se la procurer en allant, via le site « Hiram blog » sur celui de la librairie « La Cale sèche » de Bruxelles. Sinon, voici les sites des éditions Espace de Libertés, 5 avenue Victoria à Bruxelles. Tel :02 650 35 90 : <lapenseeetleshommes.be> et pensees.hommes@swing.be.
Discussion :
A propos du thème de l’Âge d’or, rappelons un article de Pierre Lachkareff publié dans Renaissance Traditionnelle, n° 114 (avril 1998) « Le mythe de l'Age d'or dans la Franc-maçonnerie française avant 1789 » et chez Pardès Le mythe de l'âge d'or - Estats, Histoire(s) et Géographie(s) de l'âge d'or d’André Delaporte.