Temple et contemplation de Henry Corbin,

réédité en 2007 aux Editions Entrelacs

par Jean Clergue

Il s’agit d’un choix de textes de conférences prononcées lors des rencontres du Cercle Eranos dans les années 1950. On a voulu considérer que cet ensemble constituait une forme de « testament spirituel » de Henry Corbin, un cheminement de l’homme qui le conduit à « naître en lui-même ».

L’ouvrage était devenu introuvable depuis une vingtaine d’années. Cette réédition est préfacée par Gilbert Durand, disciple de Corbin et qui a approfondi le concept de « monde imaginal » initié par son Maître à partir de ses travaux sur l’ismaélisme iranien.

A noter que tous deux étaient maçons, reçus la même année au RER dans le cadre de la GLNF Opéra.

En quoi un tel sujet pourrait-il intéresser un maçon ?

Parce que, ainsi que l’exprime J.-L. Vannier dans une analyse du livre : « bien loin du syncrétisme dont Henry Corbin s’est toujours méfié, l’ouvrage suggère rapidement au lecteur ce sentiment de « confluence », de réconciliation entre l’église johannique, l’écossisme maçonnique et la tradition orientale du temple. »

Le premier texte proposé est : « Temple sabéen et ismaélisme ». On peut entendre, dans le vocable « sabéen », diverses formes gnostiques, propres au Moyen-Orient, et qui furent à l’origine de textes très raffinés autour de la notion de quête spirituelle.

Ces mouvances eurent le mérite d’établir une continuité depuis le zoroastrisme jusqu’à l’ismaélisme, qui est la tendance la plus ésotérique et spirituelle de l’Islam. Et tout cela en restant sous-tendus de néoplatonisme.

Certaines de leurs expressions peuvent nous rester très familières à l’oreille. Telle une mouvance de Bassorah se dénommant dès le VIIIè siècle : « Les Frères de la pureté et Amis de la fidélité », beau nom pour une de nos Loges contemporaines. Par ailleurs, il ne s’agissait pas de seules activité intellectuelles et mystiques, quoique la confrérie citée ait laissé une encyclopédie en 52 traités. Il se pratiquait surtout des rituels dans des temples conçus à cet effet et selon des principes en relation avec une astronomie planétaire. Sur l’un d’entre eux se lisait une maxime semblant prolonger une phrase tant évoquée dans des temples maçonniques : « celui qui se connaît soi-même est déifié »

L’intérêt actuel d’un tel texte est que, à partir des données sabéennes et ismaéliennes, Henry Corbin approfondit et raffine la notion de Temple selon une osmose ainsi définies: « le contemplateur, la contemplation et le temple ne font qu’un ». Il va aussi situer l’emplacement de ce Temple idéel dans un mésocosme entre microcosme et macrocosme, lieu de rencontre par excellence de l’humain et du divin. Et ce Temple aura ses gradations « laissant transparaître à chacun de leurs degrés leur archétype angélique ».

Et, nous dit Corbin : « Par ce Temple terrestre la méditation accède au Temple céleste ; par celui-ci elle accède à l’Ange qui en est le Seigneur, et apr cet Ange elle accède au Seigneur des Seigneurs. » N’est-ce pont là une forme de « réintégration de l’être » susceptible d’être abordée en complément de celle déjà introduite par le martinésisme ?

Henry Corbin s’est particulièrement intéressé aux Sabéens de Harran du nom de leur temple situé près de l’antique ville de Harran où, selon la Bible, aurait séjourné Abram. Le site est actuellement situé en Turquie près de la frontière syrienne. Il se trouve que ce culte sabéen était encore en exercice au XIème siècle à l’arrivée des Croisés. L’endroit est situé à une journée de cheval au sud d’Edesse, centre de la principauté du même nom et tenue pendant près d’un siècle par les comtes Baudouin, futures 2ème et 3ème rois de Jérusalem.

Discussion :

Henry Corbin, dont nous célébrerons le 30è anniversaire de sa mort le 7 octobre 2008, fut aussi franc-maçon. Sur les relations entre orient et occident et plus particulièrement sur la franc-maçonnerie et l’orient, outre ces auteurs qui ont participé au cercle d’Eranos à Ascona (Suisse), on peut lire aussi les travaux de Thierry Zarcone dont des articles publiés dans RT. Sur le thème, des rapports entre la franc-maçonnerie et l’orient, on notera plus prosaïquement que la franc-maçonnerie qui était implantée en Iran, par exemple, sous le règne du Shah, a aujourd’hui disparu. Il en fut de même, autrefois, au Pakistan.