Ars Quaruor Coronati, volume 120, année 2007

Being the Transactions of The Quatuor Coronati Lodge N°2076. Volume 120 for the Year 2007, VIII + 280 p.

Le volume s’ouvre, selon l’usage, par la conférence inaugurale du Vénérable Maître en Chaire pour l’année maçonnique 2006-2007, David J. PEABODY, George William Speth 1847-1901, The Gift of Historical Imagination.

Né le 30 avril 1847 d’un père d’origine allemande, établi à Londres en 1835 comme marchand de thé et de café, et d’une mère française, il subit fortement, dans sa jeunesse, l’influence de l’un de ses beau-frères, le Révérend Alexander George JONES, Maître Assistant à l’Ecole Cathédrale d’Hereford dont la bibliothèque était particulièrement riche en manuscrits médiévaux et en textes du XVIIème siècle.

Initié dans l’atelier paternel Lodge of Unity n°183, il en devint Vénérable Maître en 1876.

La mort de son père, en 1878, lui laissa une aisance financière suffisante pour se consacrer entièrement à la Franc- Maçonnerie.

Ses recherches sur l’histoire de sa loge, ses contributions au Masonic Magazine et sa collaboration à l’History of Freemasonry de R.F. GOULD, dont il rédigea les chapitres sur les maçonneries européennes, attirèrent l’attention des fondateurs de la Quatuor Coronati Lodge et il en devint ainsi, en 1884, le dernier pétitionnaire.

Responsable unique du secrétariat de la loge à partir de 1886, il fonda, dès l’année suivante, le Cercle de Correspondance, prit en charge l’édition des Transactions et s’occupa, à partir de 1891, de la gestion du Gould Annuity Fund destiné à assurer des revenus décents au célèbre historien.

Cette inlassable activité altéra gravement sa santé et il fut emporté prématurément par une crise cardiaque le 19 avril 1901.

La contribution de John WADE, le 15 février 2007, est consacrée à The establishment of Lodge Roman Eagle in Edinburgh : its use of Latin from 1785-1793.

L’université d’Édimbourg, qui depuis 1583 avait officiellement choisi le Latin comme langue de ses enseignements, accueillait ainsi de nombreux étudiants étrangers qui maîtrisaient insuffisamment l’Anglais.

Saisissant cette opportunité, John BROWN, un ancien étudiant en théologie et en lettres classiques qui s’était ensuite tourné vers la médecine par manque de débouchés, obtint, le 7 février 1785, une patente de la Grande Loge d’Ecosse pour fonder un nouvel atelier, Lodge Roman Eagle N°CLX (160) qui, jusqu’au 27 décembre 1793, utilisa uniquement le Latin dans ses tenues et recruta presque exclusivement dans le milieu médical.

Ancien 1er surveillant en 1783-1784 de la loge St Andrew, le Docteur BROWN occupa la chaire de l’atelier à trente reprises jusqu’à son départ pour Londres où il mourût en 1788 après avoir vainement essayé de faire reconnaître ses thèses iconoclastes, Elementia medicinae (1780) qui préconisaient le recours aux stimuli pour rétablir l’équilibre naturel.

Le 10 mai 2007, dans son exposé Thomas Howward, third Earl of Effingham : the concerns of an eigteenth century freemason, John GOODCHILD met en scène un Grand Maître qui considérait la Franc- Maçonnerie comme la plus noble institution du monde.

Ce fils de militaire, baptisé à Londres en 1747, fut formé à Eton puis rejoignit, à 15 ans les Coldsream Guards et s’éleva jusqu’au grade de lieutenant-colonel avant de démissionner de l’armée. Ce membre de la petite noblesse représenta également le Yorkshire à la Chambre des Lords. Membre de l’aile radicale du parti Whig, il s’opposa ainsi à la guerre menée contre les insurgés d’Amérique.

Initié à Londres en 1775 par la Shakespeare Lodge dont il fut élu Vénérable Maître en 1776 et 1777, il appartint également à la Somerset House Lodge en 1778 et à The Lodge of the Nine Muses l’année suivante. En 1779, il refusa la Grande Maîtrise de la Grande Loge sécessionniste de York. Il fut aussi, de 1782 à 1789, le Grand Maître effectif (Pro Grand Maître) de la Grande Loge des Modernes ; le Grand Maître en titre, le Duc de CUMBERLAND, un des petits fils de Georges II, ayant renoncé à assurer sa charge. Il délivra ainsi, en 1784, à Prince Hall et à son groupe de maçons noirs une charte pour établir un atelier à Boston.

En 1789, il fut nommé gouverneur général de la Jamaïque où il mourût en octobre 1791.

Lors de la tenue du 28 juin 2007 organisée à Southend- on- Sea, Yasha BERESINER exposa ses thèses sur la Masonic Resaearch ……. That profit and pleasure may be the result.

Selon l’auteur, la recherche historique a pour finalités la mise en valeur de documents jusqu’alors inconnus et la ré interprétation de faits établis.

Ainsi, sa découverte opportune de l’unique exemplaire du numéro du 26-28 décembre 1723 du Post Boy est venue confirmer l’authenticité d’une divulgation seulement connue par une mention dans un autre pamphlet de 1726, The Free- Masons Accusation and Defense.

Par ailleurs, lors de la 5ème Batham Royal Arc Lecture en 2000, il s’est attaché à démontrer que les Anciens n’ont pas pratiqué le degré de l’Arche Royale, dont Dermott a fait dès l’origine un des éléments essentiels de distinction avec les Modernes, durant les deux premières décennies d’existence de leur Grande Loge en raison du nombre insuffisant de frères capables d’administrer un atelier et de compagnons compétents pour diriger un chapitre. Ainsi, en 1760, Les Trois Coups Distincts, la divulgation décrivant les rituels et les cérémonies en usage chez les Anciens, ne fait nullement référence à la pratique d’un 4ème grade, dont la reconnaissance officielle n’intervint qu’en 1794.

La dernière intervention, le 13 septembre 2007, a vu Robert A. GILBERT s’arrêter sur The Six Liberal Art : Astronomy and Freemasonry.

Les éléments célestes font partie intégrante de la symbolique maçonnique, à l’instar du soleil et de la lune représentant les deux lumières du Métier. S’appuyant sur la philosophie pythagoricienne, William HUTCHINSON, dans The Spirit of Masonry (1775), justifie la présence du soleil dans la loge car il est le centre du système planétaire et l’emblème de la Divinité.

Il faut toutefois attendre la divulgation Les Trois Coups Distincts (1760) pour avoir une première définition de l’astronomie dont le rôle est d’enseigner La Connaissance des Corps Célestes. Cette explication est d’ailleurs corroborée par William PRESTON, dans ses Illustrations of Masonry (1772) puis reprise dans la quatrième partie de la Deuxième Lecture Emulation : L’astronomie est cet art divin par lequel on nous apprend à lire la sagesse, la Force et la Beauté du Tout Puissant Créateur dans les pages sacrées de l’hémisphère céleste.

Il convient également de souligner l’excentricité de certains grades qui multiplièrent les références astronomiques dans leurs rituels comme l’Astrological Master Shewing the Death of Hiram according to Astronomy élaboré par un certain Capitaine MORRISON et recensé en 1879 par le Major F.G. IRWIN. Dans cet ordre uniquement réservé aux maîtres maçons férus d’Astrologie et capables d’établir un horoscope, les officiers portaient le nom des planètes (le Soleil pour le Vénérable Maître, la lune pour le 1er Surveillant, Jupiter pour le 2ème Surveillant …….) tandis que le tableau de loge représentait le Zodiaque parsemé d’emblèmes maçonniques.

Un autre affabulateur, Henry MELVILLE, un Anglais qui avait passé la majeure partie de sa vie professionnelle en Australie où il avait obtenu ses grades maçonniques, soutint, dans son ouvrage Ignorant Learned ; or, Researches after the « Long- Lost » Mysteries of Freemasonry (1863) que le secret maçonnique dissimulait en vérité une méthode ancestrale et perdue de décryptage des étoiles qu’il était parvenu à découvrir !

En revanche, trois éminents membres de la Quatuor Coronati Lodge furent également de véritables astronomes amateurs, Fellows of the Royal Astronomical Society et Fondateurs de la British Astronomical Association : William Mathieu WILLIAMS (1820-1892), un chimiste qui écrivit de nombreux articles scientifiques dans les revues professionnelles et les journaux populaires ; Sidney TURNER KLEIN (1853-1934), un cadre commercial de la City qui construisit son propre observatoire, et Frederick William LEVANDER (1839-1916), un maître d’école, observateur pointilleux des étoiles et des planètes.

Dans sa conclusion, l’auteur tient à souligner l’absence de liens véritables entre l’Astronomie et la Franc-Maçonnerie qui a, en fait, emprunté ses références au soleil et à la lune aux textes bibliques.

Deux autres contributions sont présentées dans le cadre des Miscellania Latomorum.

Avec The Thiseltons – a nineteenth century Masonic family, John MANDLEBERG et Diane CLEMENTS présentent les quatre fils de William THISELTON, un prospère imprimeur et libraire londonien, qui exercèrent d’importantes fonctions administratives dans la Franc-Maçonnerie anglaise au cours des six premières décennies du XIXème siècle.

  • William Matthew (1783-1842), Grand Steward, occupa des plateaux d’officier de deux ateliers à tablier rouge : secrétaire de St George’s and Corner Stone et trésorier de Prince of Wales.
  • Arthur Loutherbourg (1794-1842), secrétaire durant quinze ans de la Middlesex Lodge puis Scribe Esdras du Mount Moriah Chapter, fut l’instigateur de la révision du rituel de l’Arche Royale qui intervint en 1842. Il devint également, de facto, le premier Bibliothécaire et Conservateur de la Bibliothèque et du Musée de la Grande Loge Unie d’Angleterre.
  • Octavius Young, né en 1799, appartint à plusieurs commissions de la Grande Loge, notamment le Quaterly Committe of the Royal Masonic Institution for Boys (RMIB).
  • Augustus Union (1801-1869) fut simultanément secrétaire, pendant trente neuf ans, de la RMIB, et, durant vingt six ans, de la plus ancienne loge, Lodge of Antiquity n°2, ainsi que Prestonian Lecturer en 1858.

Le Norman B. Spencer Prize Award a été attribué, en 2006, à Bruce B. HOGG pour A Signatory to the Charter of Compact, but not under the title used.

La Charter of Compact (Charte d’Accord), qui est considérée comme le fondement du Suprême Grand Chapitre de l’Arche Royale, fut promulguée le 22 juillet 1766. Parmi les signatures de dignitaires qui y furent ajoutées, figure le paraphe d’un dénommé « ANGLESEY » dont l’appartenance à la noblesse est sujette à controverse.

Arthur ANNESLEY (1744-1816), Master of Arts de la Christ Church d’Oxford (1763), fut ensuite reçu Fellow par la Society of Antiquaries en 1799 et par la Royal Society l’année suivante.

Ce Maçon éminent, Grand Maître Provincial du Huntingdonshire de 1809 à sa mort, figura, en 1809, parmi les pétitionnaires de la Lodge of Promulgation. En sa qualité de Vénérable Maître de la Somerset House Lodge, il siégea, à partir de 1810, au sein de la commission chargée de préparer l’union des deux Grandes Loges.

Exalté dans l’Arche Royale dès 1766, il devint successivement 2ème Grand Principal (1766-1768) puis 1er Grand Principal (1801-1804).

La validité de ses titres de noblesse fut fortement contestée en raison des soupçons de légitimité pesant sur le troisième mariage irlandais de son père qui avait fait l’objet de deux cérémonies : privée en 1741 et publique devant témoins en 1752.

Une décision de la Chambre des Lords de Dublin, en date du 1er juin 1772, le reconnut comme 8ème Vicomte VALENTIA. Gouverneur du comté de Westford de 1776 à 1778, il est ensuite créé Comte de MOUNTNORRIS et Pair d’Irlande le 3 décembre 1793.

En revanche, le 22 avril 1771, le Committee of Privileges de la Chambre anglaise des Lords, par une majorité d’une voix sur treize votants, rejeta ses prétentions sur les titres de Comte d’ANGLESEY et de Baron ANNESLEY ; cette lignée étant considérée comme éteinte avec la mort de son père, le 6ème comte, en 1761.

Deux articles de la rubrique Insolentae Latomorum ont plus particulièrement retenu notre attention.

Chris IMPENS, dans The first charge revisited, se livre à une relecture de la première Obligation, Concernant Dieu et la Religion, à partir des thèses exposées par deux éminents clercs dont le Pasteur James ANDERSON ne pouvait ignorer l’existence :

  • Samuel CLARKE (1675-1729), le plus important philosophe britannique de cette génération, personnalité reconnue des cercles newtoniens et ardent défenseur de la religion chrétienne;
  • Thomas WISE (1671-1726), attaché à la Christ Chuch de Canterbury et chapelain de la Princesse de Galles.

La Loi morale, qui impose la croyance en Dieu, est proclamée par la lumière naturelle de la Raison. Elle est également définie par trois obligations :

  • la piété (devoirs de l’homme envers Dieu),
  • la droiture (devoirs de l’homme envers son prochain),
  • la sobriété (devoirs de l’homme envers lui-même).

L’auteur rappelle toutefois que deux catégories de Déistes restent exclues du message maçonnique : les Athées stupides, qui vivent comme des incroyants, et les Libertins irréligieux, qui professent que le Salut ne passe pas par l’Eglise.

Le grand idéal de la Maçonnerie Andersonienne vise donc à établir Le Centre de l’Union en rassemblant l’humanité autour de cette Morale universelle.

L’histoire de la Franc- Maçonnerie, depuis 1717, permet véritablement de mesurer la réussite de ces concepts.

Léon ZELDIS, enfin, avec Hipolito Da Costa and the Dionysan Artificers, nous entraîne sur les traces de l’un des précurseurs de l’Ecole ésotérique.

D’ascendance sépharade, né en 1774 dans l’actuel Uruguay, ce fils d’un officier portugais, qui s’établit ensuite au Brésil, poursuivit ses études à l’Université de Coimbra, fortement influencée par les idées libérales du marquis de POMBAL.

Reçu maçon en 1799 par la Lodge George Washington n°59 de Philadelphie lors d’un séjour aux Etats-Unis, il fut emprisonné en 1803 par l’Inquisition portugaise avant de s’échapper et de s’établir en Angleterre en 1805.

Député maître en 1812 et 1813 de la prestigieuse Lodge of Antiquity n°2, il devint un des proches du Duc de SUSSEX, qui le nomma à la charge honorifique de Grand Maître Provincial du Rutland puis, après l’Acte d’Union, membres des Lodges of Reconciliation and Promulgation puis Président of the Finances Committee de 1813 à sa mort en 1823.

De 1808 à 1822, il fonda puis dirigea le premier journal brésilien, de tendance libérale, le Correio Brasiliene ou Amazém Literario et termina sa carrière en tant que consul général du nouvel Etat à Londres.

Dans The Dionysan Artificers, un petit ouvrage d’une cinquantaine de pages publié en 1820, Hipolito Da COSTA met en exergue les liens unissant la Maçonnerie aux Mystères antiques.

S’inspirant, très librement, du Livre des Rois, il montre que le Grec, d’origine ionienne, Giblim, qui appartenait à cette confrérie de bâtisseurs adepte des Mystères de Dionysos, assista le Roi Salomon dans la construction de son Temple. Cet édifice sacré, par le vecteur de cette transmission, est ainsi devenu le symbole du Dieu de l’Univers et non plus le simple emblème d’une petite divinité locale.