Delving Further Beyond the Craft

par le Rev. Neville Barker CRYER. Lewis Masonic, 2009.

Le dernier ouvrage du Rev. CRYER se présente sous la forme d'un petit opuscule d'à peine une centaine de pages consacré à ce que nous nommons les « grades additionnels ».

Le titre peut se traduire par « Pour approfondir ce qui se situe au delà du Métier » mais c'est aussi un clin d'oeil au livre de Keith B. JACKSON qui porte le titre de « BEYOND THE CRAFT ».

L'ambition de notre F. CRYER n'est pas de concurrencer le livre de JACKSON ni de s'y substituer. En fait, il s'agit d'une tentative de développer certains aspects historiques relatifs aux « side degrees » anglo-saxons et surtout, autant que faire se peut d'en donner l'origine réelle et même d'en démontrer l'ancienneté.

Pour cela, CRYER a du se cantonner à quelques uns de ces side degrees. Il a donc sélectionné les grades suivants qui donnent leurs titres aux chapitres de son livre :

  1. La piste de la Maçonnerie de la Marque.
  2. A la découverte des origines du grade de Marinier de l' Arche Royale.
  3. Les racines du grade du Moniteur secret.
  4. Les origines cachées des grades cryptiques.
  5. D'où proviennent les différents grades maçonniques alliés ?
  6. Le Rite Ancien Accepté.
  7. D'où pouvait provenir le grade de la Croix Rouge ?
  8. Les grades annexes du Saint Sépulcre et de Saint Jean l'Evangeliste.
  9. En suivant le chemin de nos racines chevaleresques.
  10. Quand, comment et où ont commencé les Chevaliers Templiers Prêtres du Saint Arc Royal ?

On se rend compte tout de suite qu'il n'est pas facile de présenter en quelques minutes un compte rendu exhaustif de ce qui paraissait, au départ, être un petit livre.

Nous savons tous, que chacun des chapitres cités mériterait à lui tout seul une ou deux heures d'explications détaillées ; c'est impossible ici, et nous devons nous contenter de les survoler en essayant d'en tirer les éléments les plus importants.

C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire en supposant que l'on connaisse dans ses grandes lignes l'histoire générale des side degrees anglo-saxons.

  1. La piste de la Maçonnerie de la Marque.

L'idée qui prédomine chez CRYER est que les side degrees sont bien plus anciens qu'il n'y paraît même et surtout si leurs formes ont évolué à travers les siècles. Si en 1769, Thomas DUNCKERLEY introduit le grade de la Marque au sein de son chapitre, il ne faut pas oublier que l'on trouve trace de la pratique de ce grade et avant l'action de DUNCKERLEY dans des loges de villes comme Newcastle, Gateshead, Sunderland et Durham...

Il n'est pas douteux qu'au 18ème siècle, la Marque, sous une autre forme que maintenant existait en divers endroits et était liée à la pratique de l'Arc Royal avec des influences irlandaises...

Ce qui s'est passé en 1856 n'a été qu'une uniformisation des rituels, une organisation centralisée qui permettait à toutes les loges d'avoir, en apparence, une pratique commune.

Le Suprême Grand Chapitre de l'Arc Royal d'Ecosse était désireux de ne pas jeter de l'huile sur le feu entre des FF. qui avaient reçu ce grade en Ecosse et ceux qui le pratiquaient déjà en Angleterre.

Le rituel fut uniformisé, par exemple, certaines loges avaient des inspecteurs, d'autres pas, ce fut une version qui fut adoptée et qui impliquait un rituel d'ouverture et de fermeture différent d'autres pratiques. Un seul tracing board fut aussi adopté mais il y en avait d'autres qui étaient différents.

2. A la découverte des origines du grade de Marinier de l' Arche Royale.

Si l'on dit toujours que la plus ancienne mention de l'Ark Mariner se situe en 1790 dans la ville de Bath sous l'impulsion du F. Ebenezer SIBLY, CRYER ne manque pas de faire remarquer qu'une forme de ce grade était pratiquée vers 1765 sous l'égide du «Early Grand Encampment of Ireland».

D'autre part, la légende de Noé est très présente dans les premiers temps de la Franc-Maçonnerie spéculative, après tout, il n'y a qu'à se reporter aux constitutions de 1723.

La figure de Noé n'aurait elle pas pu s'imposer face à celle d'Hiram Abif ?

Le manuscrit Graham ne présente t il pas une légende similaire à celle d'Hiram mais dont le personnage central est Noé relevé par ses trois fils ? Et ce texte se situe dans les années 1726 ? CRYER pense comme d'autres érudits qu'il est plus ancien (1672).

CRYER pense qu'Hiram a pu supplanter Noé parce que ce dernier avait un aspect trop « médiéval », trop catholique aux yeux des fondateurs de la G.L de 1717...

Il n'empêche que ce grade pu se maintenir ici et là.

Après tout, dès 1816, le F. DARRINGTON manifestait son intention de faire revivre ce grade.

Et les rituels du Royal Order of Scotland en font mention en 1730 !

3. Les racines du grade du Moniteur secret.

Ce grade, moins connu, aurait selon la tradition, des origines néerlandaises mais, comme l'écrit CRYER, rien ne le confirme et cette hypothèse serait récente.

Toutefois, il existe un ouvrage intitulé « Les règlements, statuts, constitutions et cérémonies de l'Ordre de Jonathan et David et Jésus Christ » datant de 1773 dont un exemplaire est conservé dans la bibliothèque du Grand Orient des Pays Bas.

Ce livre aurait influencé un F. BOLT pour introduire ce grade dans sa loge « Concordia vincit animos » créée en 1755 par la Grande Loge d'Ecosse.

Mais, est ce concluant ?

A la mort du F BOLT, en 1793, on ne trouve plus trace de cet ordre en Hollande et ce n'est qu'en 1875 qu'il sera introduit en Angleterre par le F. ZACHARIE de retour des U.S.A.

Là encore, c'est un retour tardif et CRYER suppose que ce grade pratiqué aux U.S.A. pourrait lui aussi, sous une forme différente provenir du « Early Grand Encampment » qui, nous l'avons vu, gérait une grande quantité de grades divers.

Le rituel utilisé de nos jours, lui a été modifié à la fin du XIXème siècle avec la création au sein de chaque conclave de nouveaux officiers « les diacres visiteurs » au nombre de quatre au minimum, afin de rendre visite et d'assister les FF. dans le besoin, et d'assurer le lien entre l'Ordre et ceux que les vicissitudes de la vie empêchaient de se déplacer.

Ce qui est bien le moins pour une organisation qui repose sur une légende mettant en valeur l'amour fraternel.

4. Les origines cachées des grades cryptiques.

Le Grand Conseil des Royal and Select Masters d'Angleterre a été constitué le 29 juillet 1873 par quatre conseils qui eux mêmes émanaient du Grand Conseil de l'Etat de New York.

Là aussi, on peut envisager selon CRYER deux pistes complémentaires, une qui reprend des grades pratiqués en Angleterre au 18ème siècle, l'autre qui fait appel à des grades qui ont été transformé aux U.S.A. durant le 19éme siècle.

Il est certain que les grades cryptiques ont toujours été liés à l'Arc Royal ou considérés comme des préliminaires à l'Arc Royal.

Mais aux Etats Unis, au début du 19ème siècle, il n'était pas rare que ces grades cryptiques soient rattachés à un Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien Accepté !

De plus, les loges militaires sous patentes irlandaises ou écossaises avaient répandus durant le 18ème siècle une quantité considérable de grades qui avaient séduits de nombreux FF. dont, d'après CRYER, le F. DUNCKERLEY lui même.

Il faut donc accepter l'idée que tous ces grades, comme celui de Super Excellent Maître ont des origines britanniques mais ont été modifié aussi outre atlantique.

Par exemple, les grades de Royal and Select Masters ont été sous la coupe du REAA, le grade de Super Excellent préliminaire à l'Arc et le Most Excellent préliminaire au Knight Templar !

Tout cela n'est pas simple car il faut bien avoir à l'esprit que les dénominations actuelles ne recouvrent pas les mêmes grades !

En Irlande vers 1810 on pratiquait les grades d'Excellent Maître, de Passé Maître, de Super Excellent Maître, d'Arc et d'Arc Royal (liste de FOWLER).

Le Super Excellent correspondait au passage des voiles et l' Arc était le nom du Most Excellent !

La chronologie de ces grades a été étudié ici et nous ne pouvons nous en tenir qu'à notre séquence de Maître, Maître Maçon de la Marque, Passé Maître, Excellent Maître et Compagnon de l'Arc Royal.

5. D'où proviennent les différents grades maçonniques alliés ?

Ce chapitre est certainement le plus compliqué voire le plus confus du livre de CRYER, sans nuance péjorative, mais parce que le sujet lui même semble inextricable même si comme d'habitude, tout commence officiellement à la fin du 19ème siècle, en 1880 à Londres où quelque FF. eurent l'idée de réunir dans une même organisation des grades qui existaient de façon éparse.

A l'origine de cette initiative, le F. Kenneth Mc KENZIE impliqué dans la pratique des side degrees et bénéficiant de l'appui du Révérend G. PORTAL, G.M. de la Marque. Le Grand Conseil des Grades Maçonnique Alliés était né.

Ce qui ne nous apprend rien sur leur origine, aussi il faut les considérer un par un et se pencher sur chacun d'entre eux.

Pour mémoire, nous rappelons leur intitulé :

  • Maçon de Saint Laurent le Martyr.
  • Chevalier de Constantinople.
  • Grand Tuileur du Roi Salomon.
  • Croix Rouge de Babylone.
  • Grand Prêtre.

a) C'est dans le Lancashire que CRYER trouve trace d'une loge qui se tenait à Colne et qui pratiquait ce grade dans les années 1730.

L'origine en est obscure et difficile à démêler. La tradition nous dit que ce grade avait pour but de distinguer les maçons opératifs des non-opératifs ! Ce qui laisse perplexe mais pourquoi pas ?

C'est ce que pense CRYER. Idem pour l'implantation dans le nord du pays.

Pour ce qui concerne le thème de ce grade, le martyr de Saint Laurent, il était assez populaire dans cette région. Au Moyen Age, Lancashire et Yorkshire étaient des zones de traditions y compris en ce qui concerne la Marque et ce , malgré l'Union de 1813...

b) Quand on a dit que ce grade était pratiqué aux U.S.A. en 1831 on pense avoir tout dit ! Mais ce serait trop facile. Il semble que ce soit par l'intermédiaire de loges militaires de la région de Plymouth d'après des recherche menées par Frederick SMYTH que ce grade se soit répandu mais il existait avant l'union de 1813.

Le rituel actuel le présente comme un vrai side degree et insiste sur le fait qu'autrefois, ce grade pouvait être conféré d'un F. à l'autre par une simple obligation et communication de secrets d'un F. à l'autre hors d'une tenue.

c) Ce grade a deux noms dont celui de Maître Elu des vingt sept.

Une fois de plus, ce grade est revenu des U.S.A. en 1893.

Il présente des similitudes avec le grade de Select Master ainsi qu'avec celui de Secrétaire Intime du REAA.

Les choses se compliquent si l'on sait qu'un grade similaire était pratiqué aux U.S.A. en 1761.

d) Toujours lié à l'Arc Royal, ce grade est connu comme celui du « passing the bridge ».

En Ecosse, on le nomme « babylonian pass ». En Irlande, il appartient aux Knight Masons of Ireland.

Il a pour légende la reconstruction du second Temple et le candidat se nomme Zorobabel.

On est assuré qu'il est pratiqué à Bristol depuis au moins 1780.

Le rite de Lambert de Lintot avait un cinquième grade similaire, car une de ses caractéristiques est qu'il se déroule en deux parties en deux endroits : un chapitre de l'Arc Royal et la Cour du Roi de Perse.

e) On sait qu'un grade portant ce nom existait en 1829 en Amérique,

qu'il était en étroite relation avec l'Arc et en la personne de Josué, premier Principal dans un chapitre américain, cette qualification était obligatoire.

Mais on sait aussi qu'antérieurement un ordre de Melkissedec était pratiqué vers 1788.

Dans le manuel de WEBB, il est nommé « Ordre de la Haute Prêtrise ».

Pour CRYER, cet ordre trouve son origine dans le Lancashire et le Yorkshire et est de la plus haute antiquité.

6. Le Rite Ancien Accepté.

Nous avons choisi de faire l'impasse sur ce chapitre car il n'apporte aucun élément nouveau et s'adresse aux FF. Anglais qui n'auraient aucune notion concernant ce grade. Il se contente d'un résumé des origines supposées de ce rite, des aventures d'Etienne MORIN, de FRANCKEN et de GRASSE TILLY aux Indes Occidentales et de leur rite de Perfection en rapport avec la Maçonnerie américaine.

Pour CRYER, le grade de Rose Croix ou Nec Plus Ultra était pratiqué au sein des Knights Templar « Encampments » comme à Bristol dans les années 1770.

Ce n'est qu'en 1846 qu'apparut le Suprême Conseil d'Angleterre sous la direction du Dr. CRUCEFIX à l'initiative du S.C. Juridiction nord des U.S.A. Et que le R.A.A. prit son autonomie.

7. D'où pouvait provenir le grade de la Croix Rouge ?

Quand on sait qu'un grand nombre de grades font référence à la Croix Rouge, on se doute bien qu'il n'est pas facile de démêler l'écheveau de cette famille de grades...

C'est en 1865 que R.W. LITTLE assisté de W. HUGHAN et de W. H. WHITE ont constitué le Grand Conclave Impérial de la Croix Rouge de Constantin mais ce grade est mentionné dans le livre de R. CARLILE en 1825.

En 1790, il semble qu'un grade de la Croix Rouge de Palestine ait été pratiqué à Londres.

Nous manquons une fois de plus de précisions, de documents fiables en la matière.

CRYER cite cependant un texte écrit par un grand historien de la Maçonnerie, le F. George DRAFFEN, Grand Officier de la G.L. d'Ecosse et spécialiste des ordres de chevalerie.

Ce F. pensait que là aussi, ce grade venait d'Irlande et était une émanation encore une fois du « Early Grand Encampment » qui, nous l'avons vu, avait sous sa coupe plusieurs dizaines de side degrees et ce sans doute depuis les années 1770.

Il était courant que des FF. Ecossais se rendent en Irlande, surtout dans le comté de Cork pour y recevoir des side degrees et ce avant 1770 !

Un document irlandais, une patente de K.T. date après tout de 1759 !

Un autre document d'importance indique que le F. Robert GILL participa à la fondation du « Cross of Christ Encampment of Knights Templar » en 1795.

Les minutes de cet organisme prouvent que la Croix Rouge de Constantin était pratiquée en 1796 !

R.W. LITTLE dans son texte de présentation rédigé en 1868 n' écrivait pas que de l'histoire légendaire.

8. Les grades annexes du Saint Sépulcre et de Saint Jean l'Evangéliste.

Il est toujours question du « Early Grand Encampment » irlandais qui aurait pratiqué ces deux grades dans les années 1770.

La qualification d'être maçon de l'Arc Royal a toujours été exigée pour y être reçu.

Il est bien entendu chrétien et constitue une interprétation conforme à la foi chrétienne de ce qui est découvert lors de la cérémonie de l'Arc Royal...

9. En suivant le chemin de nos racines chevaleresques.

CRYER estime que la référence à la loge de Stirling Kilwinning en 1743 est fiable, avis qui n'est pas partagé par tous les historiens de la Maçonnerie.

Cependant, et ce chapitre n'apporte rien de nouveau sur cette question, notre auteur pense qu'il faut chercher du côté de la ville d'York et toujours vers l'Irlande où quand même vers 1740 on trouve une étroite connexion entre l'Arc Royal et la chevalerie maçonnique, par exemple une légende qui se rapporte à une certaine découverte effectuée dans les fondations du temple du temps du roi Josias (voir Livre des Rois II, 22) ainsi qu'un grade de Chevalier de la Croix Rouge se situant autour de Babylone.

CRYER est persuadé que les loges militaires irlandaises ont largement contribué à diffuser grades et légendaire chevaleresque dès les années 1750.

10. Quand, comment et où ont commencé les Chevaliers Templiers Prêtres du Saint Arc Royal ?

La difficulté, encore une fois, est que ce grade est connu sous diverses appellations comme « L'Ordre de la Prêtrise du Temple » ou « Ordre de la Sainte Sagesse ».

Son origine, mais c'est une banalité, serait irlandaise et officiellement attestée en 1792 à Anahilt au nord de l'Irlande mais serait d'une plus grande ancienneté.

Le rituel utilisé fait référence au livre des Proverbes (IX, 1) : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes. »

Lors de la cérémonie de réception, il y a sept officiers, chacun en charge d'une colonne ou d'un pilier.

Le caractère chrétien de ce grade est clair et la qualification est d'être Maître Installé, Maçon de l'Arc Royal et Chevalier Templier.

Précisons enfin, que le Grand Collège gère trente et un grades conférés par communication et dont l'origine irlandaise est évidente.

Voilà ce que nous pouvions dire succinctement du livre de notre F. Neville Barker CRYER.

Un petit livre, certes, mais qui ouvre de nombreuses pistes de recherches inépuisables et dont on peut tirer une idée dominante : contrairement à ce que l'on écrivait autrefois, la plupart des side degrees sont plus anciens et remontent plus loin dans le temps que certains érudits ne le pensent encore.

Dès le dix huitième siècle, vers les années 1760, on voit apparaître ça et là les premiers side degrees pratiqués souvent dans des loges militaires et dont les origines sont à chercher en Irlande.

C'est, selon nous, la principale leçon que l'on doit tirer de ce livre tout en le considérant comme le complément indispensable du livre de notre F. Keith B. JACKSON « Beyond the Craft » dont il constitue un très utile développement.