Moniteur de franc-maçon.

de Thomas Smith WEBB, "Aux sources du Rite d'York". Tome 1, Traduction, notes et préface de Georges Lamoine, Editions de la Hutte, 2008

par Marc Mirabel

Continuant son travail sur les textes fondamentaux de la maçonnerie anglo-saxonne, George Lamoine après nous avoir fourni une traduction des Illustrations de la Maçonnerie de William Preston nous propose, toujours chez le même éditeur la première traduction française du Freemason's Monitor or Illustrations of Freemasonry de Thomas Smith WEBB écrit et publié en 1797. C'est l'édition de 1818, la dernière de son vivant , qui a été choisie ici. Le traducteur a mentionné sur la couverture en sous titre " Aux sources du Rite d'York ". Tome1. Nous devons donc penser qu'il y aura une suite englobant - pourquoi pas - le livre de Jeremy Ladd CROSS, principal disciple et successeur de WEBB.

Thomas Smith WEBB (1771-1819) a joué dans la maçonnerie américaine à peu près le même rôle que William Preston en Angleterre, d'où la quasi similitude des titres. Ce ne sont pas les seules similitudes. Comme Preston, WEBB est un organisateur né et sera toujours un maçon très actif tant au sein de la maçonnerie bleue que dans les grades de l'Arc Royal ou dans ceux des Chevaliers Templiers, surtout dans l'état de Rhodes Island, mais pas seulement et son influence s'étendra à travers tout le pays.

Mais n'anticipons pas et suivant la présentation française de ce livre, on ne peut que parler de cette première partie ou Tome 1. Qu'en dire ? Tout d'abord, et ce n'est pas innocent, que dès 1818 l'édition reçoit la sanction du Grand Chapitre de l'Arc Royal de l'état de Rhodes Island et son entière approbation.

WEBB, et il ne s'en cache pas dans sa préface, admet qu'il s'est largement inspiré du livre de William Preston qu'il cite à plusieurs reprises mais surtout en ce qui concerne les trois premiers grades. L’ouvrage s'adresse aux FF. des grades d'apprenti à maçon de l'Arc Royal selon un cheminement qui n'est en rien celui des maçons anglais. En fait, WEBB s'inspire de Preston lorsqu'il s'agit de traiter dans sa première partie (livre I) tout ce qui est relatif aux généralités comme la création d'une loge, le gouvernement de la Maçonnerie, les conditions pour un candidat, etc. Mais dans l'esprit de WEBB comme dans ses écrits; il est bien question d'une maçonnerie qui partant du grade d'apprenti aboutira au grade de Maçon de l'Arc Royal, y incluant les grades de Maître Maçon de la Marque, de Passé Maître, de Très Excellent Maître.

Le livre de WEBB n'est en rien un manuel d'instruction qui nous décrirait telle ou telle cérémonie. Il faut surtout le considérer comme un commentaire d'ordre général sur l'art et la manière de pratiquer la maçonnerie aux U.S.A.

L'opinion du traducteur, qui n'engage que lui, serait que la maçonnerie des « Anciens » en Amérique aurait eu une très grande influence par la suite sur le développement du Rite d'York. Il est vrai, et on doit le noter soigneusement, que la maçonnerie américaine n'est concernée en rien, et pour cause, par l'Union de 1813! La mention de la Marque tendrait à prouver que l'influence des « Anciens », surtout par le biais des loges militaires de la période coloniale, a été bien réelle.

Si l'on se penche dans le livre II sur l'organisation des chapitres de l'Arc Royal, on réalise tout de suite que celle-ci n'est pas la même qu'en Angleterre. Le chapitre est présidé par le "High Priest" et non pas par le Roi comme en Irlande à cette époque. Mais là encore, le rituel n'est pas abordé mais seulement les prières qui doivent être lues, Ancien et Nouveau Testament confondus.

Cette partie du livre de WEBB s'achève sur les ordres de chevalerie pratiqués en Amérique, chevaliers de la Croix Rouge, chevaliers de Malte et chevaliers du Temple, mais là encore plus que d'organisation, il s'agit pour WEBB d'indiquer les prières qui doivent être récitées lors de certaines cérémonies, sans aucunes précisions.

La deuxième grande partie du livre de WEBB est consacrée essentiellement a des observations diverses sur la série des grades "Ineffables" du REAA du 4ème au 14ème ainsi qu'à un brève histoire de la Maçonnerie aux Etats Unis.

On ne peut que conseiller à tous les maçons de se procurer ce livre qui leur permettra d'avoir un rapide aperçu de la spécificité de la Franc-Maçonnerie américaine.

Il faut au final noter les différences fondamentales entre WEBB et PRESTON. Les Illustrations de la Maçonnerie de William Preston ont été publié en 1772. Le livre de Webb en 1797, 25 ans plus tard et dans un contexte différent. Car, nous l'avons dit, Webb s'est largement inspiré du livre de Preston pour son plan et pour la partie "morale" et "symbolique". Mais on notera tout de suite, qu'à la différence de l'auteur anglais, notre frère américain ne se cantonne pas aux grades symboliques, loin de là, d'où, effectivement l'influence de la maçonnerie des « Anciens » lors de la période coloniale. Ce qui semble évident, c'est que déjà, apparaît en gestation le rite "américain" structuré et ordonné tel qu'il l'est encore de nos jours. Les grades préliminaires à l'Arc Royal sont bien présents, ainsi que les ordres de chevalerie. Il restera quelques années plus tard à Jeremy Ladd Cross, disciple de Webb, d'y insérer les grades "cryptiques" pour que le rite d'York trouve sa forme définitive.