A Nation of Readers.

David ALLAN.

The lending library in Georgian England, British Library, 2008, 281 p.

Les modalités d’apprentissage du savoir

par Francis DELON

Cet ouvrage a fait l’objet, dans The Times Literary Supplement du 5 décembre 2008 (p. 22) d’une analyse d’Anthony HOBSON, auteur de Humanists and Booklinders : The origins and diffusion of the Humanistic booklinding, 1459-1559 (1990), Great Libraries (1970) et Apollo and Pegasus : An enquiry into the formation and dispersal of a Renaissance library (1975).

On observe, au 18ème siècle, une demande croissante d’accès aux livres. Après les conflits politiques et religieux des siècles précédents, le développement des villes et la vie urbaine ont donné naissance à un concept de savoir vivre qui exigeait des hommes, et dans une moindre mesure des femmes, d’être suffisamment instruits pour avoir accès à la société civilisée. Les livres occupèrent une grande place dans la vie de l’esprit et l’imagination comme l’a observé Robert DARNTON, Ils exposaient et bouleversaient des concepts avec une puissance que nous pouvons à peine imaginer.

Le moyen d’accès le plus simple aux ouvrages était celui du club de lecteurs. Un groupe, habituellement composé de 7 à 8 membres, achetait, à tour de rôle, des ouvrages qui pouvaient être lus et discutés par tous avant d’être, fréquemment, vendus aux enchères. Certains clubs comptèrent jusqu’à 50 membres et le choix des ouvrages pouvait alors être effectué par un comité de lecture. Leurs membres étaient typiquement représentatifs de la classe moyenne. Ainsi, un club de lecteurs de 8 membres à Sheffield, en 1816, était constitué de 2 fabricants de boutons, d’un fabricant de fourches et de bêches, d’un brasseur, d’un tailleur, d’un apothicaire et de deux hommes d’église.

Les bibliothèques d’abonnés apparurent, pour leur part, à partir des années 1760. Elles bénéficiaient d’un fonds de roulement d’ouvrages permanents et leurs adhérents, généralement autour de 475 membres, étaient majoritairement issus de la classe moyenne à l’exception des propriétaires terriens locaux. Les livres consultés bénéficiaient, pour l’essentiel, d’une réputation reconnue, ainsi The Decline and Fall of the Roman Empire d’Edward GIBBON, The Wealth of Nations d’Adam SMITH, History of Scotland, Charles V et History of America de William ROBERTSON, principal de l’Université d’Edimbourg, Journal of a Tour to the Hebrides de James BOSWELL, Evidences of the Christian Church de James BEATTIE, History of the Earth and Animated Nature d’Oliver GOLDSMITH et Reflections on the Revolution in France d’Edmund BURKE. Les oeuvres littéraires pouvaient également être retenues, sous réserve qu’elles aient subi l’épreuve du temps et soient d’une réputation irréprochable comme, Night Thoughts d’Edward YOUNG, The Seasons d’Edward THOMSON et les poèmes de Walter SCOTT alors que le Don Juan de BYRON en était exclus en raison de sa nature licencieuse. On trouvait ainsi, à Smithfield, des bibliothèques d’abonnés pour le droit, la médecine, les Tories, les membres des Eglises Dissidentes et la Société des Mathématiciens.

Les bibliothèques de prêt étaient, avant tout, des entreprises commerciales. Elles se multiplièrent à partir des années 1740. Au début du 19ème siècle, on en comptait près de 200 à Londres, 80 à Liverpool et 78 à Bristol.

En revanche, il subsiste peu d’information sur les livres appartenant aux classes modestes. En 1760, un cordonnier possédait la Bible, Psalms and Hymns d’Isaac WATT, les Commentaires de William FOOT sur le baptême, History of the Gentle Craft (les cordonniers) et un volume ancien de conseils médicaux. Les travailleurs achetaient, en priorité, les ouvrages qui leur étaient professionnellement utiles. Ainsi, la domestique d’un marchand d’articles de modes était abonnée à A la Mode Magazine puis à Lady’s Magazine. Le valet Robert DODSLEY, qui publia deux volumes de vers, devint ensuite libraire puis l’éditeur respecté de POPE, Edward YOUNG et Thomas GRAY.

Alors qu’au début des Temps Modernes, les livres étaient rangés dans un petit cabinet, comme à Dunham Massey, la bibliothèque devint, au 18ème siècle, un des principaux espaces de vie de toute demeure bourgeoise à l’image de celle de Robert ADAM à Syon House ou de celle, plus connue, de Sir John SOANE à Wimpole Hall.

Discussion :

Au XVIIIè siècle, en Angleterre on lisait beaucoup, classe moyenne comprise, notamment les journaux et les Almanachs. Il faut remarquer que cette pratique coïncide avec le développement de la Franc-maçonnerie même si nombre de Maçons, et non des moindres tel William Preston, se plaignent amèrement du faible niveau intellectuel du frère de base.