Restoring the Temple of Vision : Cabalistic Freemasonry and Stuart Culture

Par Marsha Keith SCHUCHARD, Leiden, E.J. Brill, 2002. Studies in intellectual History, vol. 110, XIII + 845 p.

Cet ouvrage a fait l’objet, dans The Plumbline, The Quarterly Bulletin of the Scottish Rite Research Society (Summer 2009, Volume 16, N°2, pp. 3, 7 et 8) d’une analyse par Jay M. KINNEY, Bibliothécaire et Directeur des Structures Ecossaises de San Francisco, ancien rédacteur en chef du Gnosis Magazine, une revue trimestrielle consacrée aux traditions ésotériques. Son prochain ouvrage, The Masonic Myth, doit paraître à la fin de l’année. En 2005, la Scottish Rite Research Society lui a décerné l’Albert G. Mackay Award for Excellence in Masonic Research.

Marsha Keith SCHUCHARD a soutenu, en 1975, devant l’Université du Texas une thèse sur Freemasonry, Secret Society’s and the Influence of the Occult Traditions on British Literature. Ancien Professeur d’Université en Ouganda et au Kenya puis consultante pour la prévention contre la drogue auprès du gouvernement des Etats-Unis et de l’Organisation Mondiale de la Santé, elle s’est établie ensuite comme conférencière et écrivain indépendant spécialisée dans l’histoire littéraire, ésotérique et maçonnique et vit désormais à Atlanta (Géorgie).

Le 21 février 2002, elle a présenté devant la Quatuor Coronati Lodge n°2076 une conférence très controversée intitulée Jacobite and Visionary : the Masonic Journey of Emmanuel Swedenborg (1688-1772) où elle soutenait, à partir de ses investigations dans les archives diplomatiques suédoises, que SWEDENBORG fut non seulement un Franc-Maçon mais également un sympathisant jacobite et un agent secret de la couronne suédoise qui utilisa la Maçonnerie écossaise durant ses activités, particulièrement au cours de ses visites à Londres.

Ainsi, pour cette historienne américaine spécialiste des courants ésotériques occidentaux à la fin du 18ème siècle, les enseignements architecturaux des guildes juives dirigées par des prêtres-maçons, qui supervisèrent le chantier du Temple d’Hérode, et le symbolisme mystique du premier Temple mis en exergue par des rabbins médiévaux comme Abraham ABULAFIA (1240-1292), chantre de l’extase érotique, ont été transmis en Ecosse par des courants théosophiques arabes, ou, plus prosaïquement, par les Templiers comme en témoigne un ordre de paiement figurant dans les comptes d’Edouard 1er pour l’emploi d’un Frère Jean de l’Ordre de Saint Thomas d’Acre.

Prenant ensuite acte de l’absence d’archives dans les loges écossaises avant 1599 et leur extrême rareté en Angleterre jusqu’en 1717, Marsha SCHUCHARD y remédie en recherchant la présence de thèmes maçonniques dans la littérature anglaise et écossaise. Son analyse attentive d’écrivains aussi différents que Samuel BUTLER, John EVELYN, John DRYDEN, Robert PLOT, Andrew MARWELL ou Jonathan SWIFT lui permet alors de découvrir l’existence de tout un mouvement d’idées reposant sur les mythes et légendes véhiculées par le Roi Salomon et son Temple, les écritures et l’histoire juive, le mysticisme kabbalistique et l’Art Royal des bâtisseurs.

S’interrogeant ensuite sur les raisons qui ont conduit la Maçonnerie spéculative, dans une société implacablement dominée par le Christianisme, à se structurer autour de symboles empruntés presqu’exclusivement à la culture hébraïque, elle avance trois explications.

Tout d’abord, de fortes similitudes peuvent être relevées dans l’évolution historique des nations juive et écossaise. En effet, comme le peuple d’Israël dispersé lors de la déportation à Babylone et après la destruction du Temple en 70 après JC, les STUARTS furent, à deux reprises, contraints à l’exil lors de l’interrègne de CROMWELL et en 1688 après l’invasion de Guillaume d’ORANGE.

Par ailleurs, d’éminents intellectuels d’outre-Manche, sur les traces des érudits de la Renaissance comme PIC DE LA MIRANDOLE, ont été fascinés par le mysticisme de la Kabbale.

En Ecosse, cette identification avec le destin tragique du peuple juif, éternellement opprimé, et cette fascination pour les grands traités de la culture hébraïque vont fusionner à la cour des rois STUARTS au sein de cercles dont les principaux représentants s’avérèrent être à la fois, comme Robert MORAY, des maçons et des érudits sensibles aux enseignements ésotériques.

Ces groupes non structurés auraient ainsi constitué une sorte de proto-maçonnerie dont l’auteur prétend avoir retrouvé la trace dans la correspondance chiffrée de certains de ses membres.

Selon elle, ce courant maçonnique souterrain devait réapparaître dans la seconde moitié du XVIIIème siècle en Angleterre au travers de la Grande Loge des Anciens et en France avec les hauts grades écossais.

Restoring the Temple of Vision a suscité, dans la communauté scientifique, de nombreuses critiques car Marsha SCHUCHARD a multiplié hypothèses, probabilités, approximations et inexactitudes pour étayer ses théories.

Ainsi, elle n’hésite pas à invoquer la tradition orale et les chronologies les plus douteuses comme la liste supposée des Grands Maîtres antérieurs à 1717 établie par ANDERSON dans l’édition de 1738 des Constitutions.

En dépit des fortes réticences de David STEVENSON, elle reste persuadée que Jacques 1er a été initié par la Lodge of Scoon and Perth en 1601 à l’âge de 35 ans.

Elle ne prend pas, en outre, suffisamment de distance vis-à-vis de ses sources en voyant des significations maçonniques dans toutes les références au Temple de Salomon présentes chez les auteurs du XVIIème siècle, comme The Temple : Sacred Poems and Private Ejaculations de George HERBERT publié en 1633.

Si son ouvrage, en effet, doit être salué pour l’abondance des sources nouvelles qu’elle a exhumées, en revanche, par ses multiples affirmations dépourvues de preuves scientifiques, il s’apparente davantage à de la « pseudo histoire ».

Si le coût élevé de cette publication (149,00 €) semble avoir limitée sa portée, son accessibilité désormais par le téléchargement, à partir du site Google Books, risque de lui attirer un nouveau public, moins averti mais sensible aux belles légendes écossaises !

Discussion :

Cette auteure a été publiée dans la revue de Patrick Geay La Règle d’Abraham où elle a été bien reçue. [M. P. Geay nous signale aimablement que ce travail a "été édité en anglais dans la revue américaine Heredom, et qu'une étude d'elle a été mis en ligne à l'occasion d'un récent colloque de l'ICOM". Il précise que cela n'a évidemment "rien à voir avec D. Brown!". Il ajoute qu"un 3e article de MKS [a été publié] en anglais(HS III) et en traduction (n°38 39)" (juin-août 2017)].

Signalons que 3 ouvrages vont être publiés à l’occasion de la parution de Le Symbole perdu dit D. Brown :

  • Le Symbole perdu décodé par Roger Dachez et Alain Bauer ;
  • La Saga des francs-maçons par Marie-France Etchegoin et Frédéric Lenoir ;
  • Le Symbole Retrouvé : Dan Brown et le Mystère Maçonnique par Eric Giacometti et Jacques Ravenne.