TROIS LIVRETS DE J.S.M. WARD
CONCERNANT LES GRADES D'APPRENTI, COMPAGNON ET MAîTRE.
par Marc MIRABEL
Les éditions de la Hutte viennent d'éditer la traduction française des trois livrets que J.S.M. WARD a consacré aux trois premiers grades de la Franc- Maçonnerie publiés dans les années 1920.
Cette maison d'édition a cru bon de rajouter sur la couverture de ces ouvrages, comme titre complémentaire la phrase suivante : "Les légendaires instructions mystiques au rituel anglais de style Emulation".
Qu'en est il réellement et qui était J.S.M. WARD ?
Ce dernier était né en 1885 au Honduras britannique [Belize] (son père était pasteur anglican) et est décédé à Chypre en 1949.
De retour en Angleterre, il fera des études d'histoire à Cambridge avant de se lancer, assez jeune, dans la publication d'ouvrage concernant la Maçonnerie au sein de laquelle il avait été initié dans son université. Mais le vrai centre d'intérêt de WARD était ce que l'on nomme dans le monde anglo-saxon le " spiritualism ". WARD était un médium et un homme en quête de connaissances supra-naturelles. Un de ses tous premiers livres, " Gone to West " relate ses expériences " mystiques", un autre " The psychic powers of Christ " est consacré aux miracles du Christ d'un point de vue spirite. Il a de plus séjourné en Extrême Orient et a pu se familiariser avec d'autres traditions.
Beaucoup d'autres de ses écrits datent des années 1930/1940 et ont une résonance apocalyptique dans l'attente du retour du Fils de Dieu sur la Terre. WARD finira par quitter la communion anglicane pour rejoindre une " petite église ", "l'Eglise Catholique Orthodoxe d' Angleterre" au sein de laquelle il sera consacré évêque. Suivi de ses disciples, il se retirera à Chypre pour y diriger sa propre communauté. Précisons que la filiation de WARD subsiste toujours, divisée, mais -ça ne surprendra personne- en une multitude de sous groupes.
Voilà ce que l'on peut dire succinctement de la vie de J. S. M. WARD. En ce qui nous concerne et c'est assez révélateur, beaucoup de ses livres sont disponibles sur Internet. Ceux que nous présentent les éditions de la Hutte sont également toujours disponibles chez Lewis Masonic et constamment réédités.
Peut-on et doit-on en faire un compte rendu exhaustif, page par page ? Nous pensons que non, et en avoir lu un , c'est les avoir tous lus car la démarche est la même. Précisons aussi qu'il existe dans cette même série un ouvrage sur les " Hauts Grades " anglo-saxons que l'on trouve facilement sur le WEB.
Nous connaissons quel type de démarche suit J.S.M. WARD et avant nous, A. FAIVRE l'a parfaitement démontré lors de sa communication sur les trois approches des origines de la Franc-Maçonnerie au cours du colloque de Renaissance Traditionnelle intitulé : " Le Légendaire maçonnique : rêve et initiation ". WARD se rattache à l'école mytho-romantique mais fait preuve aussi d'une approche universalisante que nous connaissons bien tant elle est vivante de nos jours dans le milieu maçonnique. WARD rattache la Maçonnerie aux cultes anciens, aux mystères de l'antiquité et à d'autres traditions plus exotiques les unes que les autres où gnostiques et ismaéliens ne peuvent que se côtoyer. Pour WARD, dont les travaux sont fortement marqués par son époque, celle de la Société de Théosophie, par l'influence des livres de BLAVATSKY, BESANT ou LEADBEATER , la Maçonnerie se rattache aux initiations antiques et aux traditions passées ou encore présentes ! Un des livres les plus connus de WARD est entièrement consacré à la " Hong Society " ou Société du Ciel et de la Terre, une des Triades chinoises. Sachons aussi qu'en 1987, la Grande Loge Unie d'Angleterre rappela fermement que les livres de WARD n'avaient aucun statut officiel et que ses interprétations n'engageaient que son auteur. Il serait trop laborieux de s'arrêter à une étude détaillée de chaque livret de WARD, il ne s'agit pas d'un refus de notre part de nous pencher sur les idées de cet écrivain mais parce que nous savons déjà ce qu'il va nous dire et quelle est son optique.
Mais nous nous contenterons d'un seul exemple.
A la page 48 de la traduction française, consacrée au premier grade, que lisons nous ? Ceci : " On rappelle au candidat qu'il doit partir du pied gauche. Pourquoi ? Parce que, dans les anciennes mythologies, le Sauveur est toujours représenté comme foulant du pied gauche le serpent du mal. Il en est ainsi dans l'ancienne Egypte, en Inde et ailleurs. Mais certains pourraient demander : " Pourquoi Horus et Krishna mettent leur pied gauche sur le serpent du mal ? " Le Major Sanderson qui a passé de nombreuses années au Nyasaland [Malawi] en tant qu'officier des troupes de santé, et qui a été initié à quelques rites locaux m’a dit que, parmi beaucoup de peuplades primitives, il existe une superstition voulant que lorsqu'on entre dans une grange de stockage de riz, on mette le pied droit d'abord pour ne pas blesser l'esprit qui règne sur la grange. Par là, nous avons une explication sur le départ du pied gauche : quand nous combattons contre l'Esprit du mal, nous voulons le blesser, ainsi nous inversons la superstition et avançons le pied gauche d'abord. " Voilà qui aurait bien étonné les maçons de 1717.
Bref, des ouvrages que l'on ne peut lire sans oublier une bonne mise en perspective, un recul nécessaire, tant ils sont " datés " ce qui semble normal car après tout ils sont un parfait reflet des préoccupations " ésotériques " de certains maçons de l'entre-deux-guerres.
Discussion :
Un portrait de JSM Ward a été publié dans les AQC n° 116 sous la plume de Tony Barker. La GLUA met en garde les frères relativement aux théories de ce maçon que d’aucuns, tel Jean Solis, jugent « fourvoyé ». Et en effet ces publications donnent une autre vision de la Maçonnerie anglaise, celle d’une maçonnerie « ésotérisante » qu’on appelle Fringe Masonry ou « Maçonnerie en marge ».