Heredom

The Transactions of the Scottish Rite Research Society. Volume 16. 2008, 287 p

Le volume s’ouvre par la contribution de William D. MOORE, Professeur Associé à l’Université de Caroline du Nord, Riding the Goat : Secrecy, Masculinity and Fraternal High Jinks in the United States, 1845-1930.

La représentation d’un candidat aveuglé chevauchant une chèvre fut utilisée, à partir des années 1840, dans nombre de pamphlets des mouvements évangéliques, à l’instar du libelle anonyme Odd Fellowship Exposed publié dans le New- Hampshire en 1845, pour jeter l’opprobre sur les Francs- Maçons et les Odd Fellows.

Après la Guerre Civile, ceux- ci récupérèrent cet emblème pour tromper les profanes et éprouver les postulants éventuels.

Au début du XXème siècle, ces associations fraternelles, dans une volonté de rompre avec le Puritanisme de leurs pères, s’attachèrent à viriliser leurs rites d’agrégation. Elles généralisèrent alors l’usage de la chèvre mécanique principalement fabriquée par la Société DeMoulin & Co, fondée en 1892 à Greenville (Illinois). Ces rituels, par leur brutalité, occasionnèrent parfois des blessures aux néophytes. Ainsi, en 1906, Charles McTEE obtint des dédommagements de la Modern Woodmen’s Lodge d’Arrowsmith (Missouri) pour avoir été désarçonné par une utilisation abusive de cet instrument.

Dans le cadre d’une recherche universitaire, Melissa DAWN BRUZAS s’est intéressée à The New Anti- Masonic Movement in America.

L’antimaçonnisme, qui a violemment secoué au milieu des années 1820 la société nord américaine au nom d’une défense exacerbée du protestantisme, est réapparu depuis une quinzaine d’années dans le sillage de la Droite Chrétienne.

Recrutant majoritairement parmi les chrétiens « nouvellement convertis », il s’attache à la préservation de la culture protestante dans une Amérique de plus en plus sécularisée et religieusement hétérogène.

Le courant évangélique insiste ainsi sur la formation des pasteurs chargés de convaincre les Francs- Maçons de quitter leur loge et de revenir à la foi chrétienne authentique.

Très minoritaires, des groupes fondamentalistes, s’appuyant sur une lecture littérale de la Bible, invitent les croyants à se préparer pour la venue de l’Apocalypse et dénoncent inlassablement le « Nouvel Ordre Mondial » instauré par la Franc- Maçonnerie.

Ancien journaliste et collaborateur réguliers des AQC, Andreas C. RIZOPOULOS met l’accent sur le rôle du Duke of SUSSEX : Grand Master in Two Countries.

Né en 1773, 6ème fils et 9ème enfant du roi George III, Auguste- Frederick Duc de SUSSEX fut initié en 1798 par la Loge Zur siegenden Wahrheit (La Vérité Triomphante) relevant de la Royal York Lodge of Berlin (Grande Loge de Prusse). Il rejoignit, en 1806, la Lodge of Friendship dont il occupa aussitôt la chaire avant de prendre, en 1809, le maillet de la Lodge of Antiquity qu’il conserva jusqu’à sa mort en 1843.

Député Grand Maître (1812) puis, à partir du 17 avril 1813, Grand Maître de la Grande Loge des Modernes, il devint, le 27 décembre 1813, le premier Grand Maître de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Il accepta également, en 1812, la Grande Maîtrise du Grand Conclave des Knights Templar et, en 1819, la distinction de Grand Commandeur du Suprême Conseil du Rite Ecossais Ancien et Accepté pour la Grande- Bretagne, l’Irlande et ses possessions en Amérique du Nord et aux Indes mais s’opposa vigoureusement au développement de ces systèmes de hauts grades.

Le 26 avril 1816, les Francs- Maçons de Corfou, suite à leur rupture avec le Grand Orient de France, choisirent de se placer sous la protection de la Grande Loge Unie d’Angleterre. Ils se constituèrent alors en Grand Orient de Grèce et offrirent aussitôt la Grande Maîtrise au Duc de SUSSEX. Celui- ci accepta seulement cette charge au bout de sept ans par le Concordat du 9 décembre 1823 qui stipulait que les deux obédiences s’engageaient à n’établir aucun atelier dans leurs territoires respectifs.

Titulaire d’un Master of Arts in Philosophy sur Origen and Tertullian : The Recognition of Philosophical Significance in Their Discourse on God, Mark C. PHILLIPS, dans sa contribution The Influence of Victorian Progress on Scottish Rite Freemasonry, rappelle que la Franc- Maçonnerie, dans l’Angleterre Victorienne, était exclusivement réservée à l’aristocratie, à la Gentry et à la bourgeoisie financière et industrielle. Cette discrimination résultait de l’aversion profonde de la Reine Victoria envers les idées nouvelles véhiculées par les mouvements révolutionnaires de l’Europe continentale.

En revanche, les Maçons américains, plus pragmatiques, participèrent activement à la formation de la nouvelle nation en finançant notamment écoles et œuvres d’assistance. Recrutant ainsi dans toutes les couches de la population, les Loges regroupaient déjà, en 1896, plus de 750000 membres.

Cette symbiose entre la Maçonnerie et la société, réunies par leur foi commune dans le progrès, a été remarquablement illustrée par Albert PIKE dans son traité Morals and Dogma (1871) au travers de valeurs comme l’honneur et le respect de son rang, l’obéissance aux lois naturelle et divine et l’engagement dans une démarche spirituelle dégagée de toutes dérives intégristes.

Dans son travail The Book of Revelation : An Adventure in Discovery, l’océanographe David E. AMSTUTZ s’efforce de démontrer, en recourant à l’astronomie, que l’Apocalypse aurait été, en fait, élaborée trente cinq ans avant la date officiellement fixée par les exégètes à l’an 95 de notre ère.

Avec Are You A Mason? James G. BENNIE, Grand Historien du Grand Chapitre de l’Arche Royale de Colombie Britannique et du Yukon, donne la transcription d’une comédie jouée à Broadway au début du XXème siècle.

Son auteur, Léo DITRICHSTEIN, né en Hongrie en 1865, petit- fils du romancier Joseph VON ELTOOS, fit ses débuts sur les planches berlinoises où ses premiers succès l’encouragèrent à tenter sa chance outre Atlantique. Il rejoignit, en 1890, la compagnie du John Drew Theatre de New- York puis joua, dirigea et écrivit plusieurs pièces.

Are You A Mason? est adapté de la comédie Die Logenbrüder de Carl LAUFS et Curt KRAATZ. Boudée par le public, elle n’atteignit pas la centaine de représentations : 64 en 1901 et 16 lors d’une éphémère reprise en septembre 1904.

Elle rencontra, en revanche, un meilleur accueil en tournée avant de faire l’objet d’une adaptation au cinéma par la Paramount en 1915 et 1922 puis en Angleterre en 1934.

DITRICHSTEIN retourna en Europe en 1924 et mourût à Vienne en 1928. Il ne fut jamais Franc- Maçon à la différence de l’un des comédiens de 1901, le célèbre cinéaste hollywoodien Cecil B. DE MILLE, membre de l’Orange Lodge n°16 à l’orient de New- York.

Ce vaudeville en trois actes est un témoignage de la perception, par la moyenne bourgeoisie nord américaine, de la Franc- Maçonnerie appréhendée ici comme une association humaniste, charitable et amicale pouvant s’avérer utile professionnellement.