La Philosophie de la tradition

Par François-Joseph Molitor. Préface par Jànas Darvas. Traduit de l’allemand par Xavier Quris. Les Editions de la Tarente 2010, réalisé à partir de l’édition chez Prosper Dondey-Duprey, Paris 1834. 168 pages, 25 €.

François-Joseph Molitor (1779-1860), né à Ober Ursel, près de Francfort a d’abord enseigné dans des lycées puis devient professeur dans une institution pour le Judaïsme.

Il est l’auteur d’une œuvre imposante et monumentale : Une Philosophie de l’Histoire ou de la Tradition dans l’Ancienne Alliance et son rapport avec l’Eglise de la Nouvelle Alliance, avec un regard particulier sur la Kabbale, en quatre volumes, publiée entre 1827 et 1853. La traduction française de Xavier Quris n’est que le résumé partiel du tome 1 de la première édition allemande.

François-Joseph Molitor, catholique et franc-maçon a reçu un apprentissage direct auprès de rabbins kabbalistes orthodoxes, lui apportant ainsi, selon János Darvas, une connaissance considérable pour un non juif. Membre fondateur de la Loge « l’Aurore naissante » à l’orient de Francfort sur le Main, dont les chefs furent en contact d’après Jean-Pascal Ruggiu et Nicolas Tereshchenko avec la toute première génération Martiniste, comme Louis Claude de Saint Martin et Rodolphe de Salzmann à Strasbourg, par l’intermédiaire des loges du Rite Ecossais Rectifié.

Dans le premier chapitre Molitor expose le fond de la tradition judaïque : Un des articles fondamentaux de la foi Judaïque, est qu’on a reçu de Moïse la Thorah ; qu’elle s’est transmise dans l’Eglise juive avec les autres livres canoniques sans aucune altération essentielle dans son contenu et dans sa forme. Dieu lui aurait en outre donné, pendant son séjour sur la montagne, une instruction toute particulière concernant la pratique et l’observation de la loi. La foi judaïque dit encore que l’Eglise et les prophètes avaient le droit de modifier et de développer les lois disciplinaires suivant les temps et les circonstances, mais toujours conformément à leur esprit primitif, sans néanmoins en faire aucune fondamentale. Tel était le pouvoir qu’ils tenaient de Dieu ; pouvoir qu’ils exercèrent réellement.

Le récit historique de la tradition orale est divisée en trois périodes : L’âge du Tohu, où le ciel et la terre ne faisait qu’un, l’âge de la loi, et la suite de la tradition à l’avènement du Messie. La lumière du monde que les patriarches avaient entrevue au désert sous la forme d’une colonne de feu, prit enfin la forme humaine pour glorifier l’humanité. Le Messie parut donc au milieu des siens, mais les siens ne le reçurent pas.

Il s’ensuit une réflexion sur la longue évolution des rapports entre le Judaïsme et les Chrétiens après le rejet et la crucifixion de l’homme-Dieu par ses propres enfants. Puis Molitor nous entretient de l’importance de la tradition juive par rapport au Christianisme : Le Christianisme possède donc de même que le Judaïsme deux espèces de tradition ; l’une écrite et l’autre orale ; deux enseignements, l’un dogmatique et l’autre mystique.

Nous disions donc plus haut que la tradition Chrétienne se rattache à celles des juifs comme à un centre fondamental. Cette idée date de trop loin pour être une simple hypothèse ; nous la retrouvons déjà plus ou mois développés dans les écrits des premiers Pères de l’Eglise et des mystiques Chrétiens qui ont su pénétrer le sens profond du Judaïsme.

Gérard Van Rijnberk dans son œuvre sur Martines de Pasqually écrit une longue notice complémentaire sur le savant professeur Molitor ; Van Rijnberk cite de nombreux passages de la Philosophie de l’Histoire pour deux raisons :

1° Il est curieux que Molitor ne nomme pas Martines dans la première édition de 1827. Pourtant à cette époque déjà, il savait parfaitement qu’il était le fondateur des Elus Coens et il avait eu sous les yeux le Traité de la Réintégration dont le Prince Chrétien de Hesse-Darmstadt et le Baron Johan de Turckheim, tous deux Grands Profès comme lui, possédaient un exemplaire. Il faut remarquer aussi que Molitor s’obstine à parler des « Martinistes », même lorsqu’il s’agit évidemment, simplement et exclusivement des Elus Coens.

2° La thèse de Molitor que la Cabale juive est à la base de plusieurs doctrines mystiques et occultistes chrétiennes, sinon de toutes paraît incontestable. Son affirmation que Martines était un grand Cabaliste a été incriminée par M. Vulliaud.

Pour conclure, la réédition de ce livre d’une grande portée est d’un vif intérêt pour ceux qui veulent réfléchir sur la tradition, la Kabbale et sur les rapports millénaires entre le Judaïsme et le Christianisme.

Discussion :

On pourra être étonné par quelques pages consacrées au « peuple déicide ». Cela démontre qu’on peut être anti-sémite et s’intéresser à la cabale. D’autres exemples l’ont montré dans le passé. Pour autant, il ne faut commettre d’anachronisme historique même si la tragédie du XXème siècle nous oblige aujourd’hui à aborder ces sujets avec prudence et mesure.