Dernier Chapitre à Villeneuve-le-Roi

par Jean-Luc Dauphin

Les Amis du Vieux Villeneuve, 2012,

7, faubourg Saint-Laurent 89500 Villeneuve-sur-Yonne. http://www.villeneuvesuryonne.com

Autant le premier volume de l’auteur paru dans cette collection " Histoire en Histoires " sous l’égide des Amis du Vieux Villeneuve, Le Diable à Cerisiers, se déroule dans les vents glacés et les étendues de parcelles, de bois, de bosquets, de buissons, de haies du pays d’Othe, autant ce Dernier chapitre (nous espérons à ce propos que ce ne sera pas le dernier !) se déroule en vase clos à Villeneuve et même quasi à huis-clos dans la demeure de Claude Romain Bernier, Vénérable Maître de la loge maçonnique, et presque entièrement dans sa loge qui se tient chez lui.

Il n’est pas besoin de rappeler les qualités littéraires et d’érudition de l’auteur que nous signalions lors de la publication de son premier récit. Nous les retrouvons ici avec, peut-être en plus, une pointe d’humour, bien que l’histoire racontée ne prête guère à rire. Mais comment ne pas apprécier cette phrase relative à un marchand de bois qui cherche à être anobli par l'acquisition " d’un château (…), sur la succession d’un nobliau ruiné, pour le prix d’un train de bois " ?

Jean-Luc Dauphin nous fait pénétrer dans une loge maçonnique du XVIIIe siècle. Certes il n’est pas dans l’intention de l’auteur de prétendre décrire toute la Franc-Maçonnerie française de ce siècle qui fut son siècle d’or mais, au moins, d’en décrire un aspect, celui de la Maçonnerie illuministe. Cependant, s’il est d’usage de distinguer la Maçonnerie des " Lumières " de la Maçonnerie illuministe, la réalité, comme toujours, est plus complexe et les deux courants se mélangeaient probablement dans les loges. C’est ainsi que l’auteur commence son récit par un plaidoyer, dans cette loge illuministe, de " l’abbé Louis Athanase de Saint-Maxence de La Maisonneuve, bachelier en théologie, recteur du collège royal et chapelain de Saint-Jacques " relativement à l’usage du tutoiement et à l’égalité sociale. Ce dernier point était un sujet constant au XVIIIe siècle et il est piquant de voir que c’était souvent les plus grands aristocrates qui se montraient, au moins en paroles, les plus libéraux. Quant à l’usage du tutoiement, c’est devenu aujourd’hui une question si complexe que les étrangers qui apprennent notre langue y perdent bien souvent leur latin.

Et non seulement l’auteur nous montre que la Maçonnerie, comme toute institution, est le reflet de son temps mais il invite les francs-maçons d’aujourd’hui, à travers la situation induite par l’intrigue qu’il développe, à s’interroger sur leur pratique. C’est là encore une illustration de ce que nous disions pour sa précédente publication : faire d’un récit régionaliste bien ancré dans son terroir, un texte qui s’applique à tous. Ainsi la Loge est-elle vraiment cet " espace privilégié d’amitié fraternelle " comme on aime à le dire ? La Franc-maçonnerie est-elle vraiment ce " monde imaginaire peuplé de frères admirables " ou bien n’est-elle (et l’auteur prend ici des accents du Faust de Goethe) qu’un " fatras maçonnique " ridicule face aux réalités de la vie ? Ces questions, sans nul doute, méritent d’être posées car elles sont toujours d’actualité et Jean-Luc Dauphin illustre admirablement, avec ce récit, une pensée de Confucius qui dit, en substance, que celui qui connaît le passé pour comprendre le présent, celui-là est un maître.

Avec Jean-Luc Dauphin, nous, lecteurs, ne sommes peut-être pas des maîtres (et même sûrement pas) mais nous sommes sur le chemin.