Les cahiers de l'ailleurs

N° 1 et 2. (Septembre 2012 et mars 2013).

21€, le numéro.

par Pierre Lachkareff

Cette nouvelle revue au titre bien trouvé et à la maquette soignée devrait s’attirer un public large et divers, tant l’éclectisme y est affirmé dès le sous titre : "Alchimie – Astrologie – Spiritualité – Initiation – Symbolisme – Poésie". C’est, de toute manière, ce que nous lui souhaitons au delà de nos propres appréciations !

Dans le numéro 1 nous avons remarqué un article consacré au docteur Fernand Rozier (1839-1922) figure de l’occultisme fin de siècle, commensal de Papus ; (ce qui nous donne entre autre l’occasion de lire une amusante lettre de ce dernier revendiquant pour les occultistes l’appréciation du " christianisme véritable " et de l’hagiographie des saints face à des " cléricaux " " recrutés dans la même classe que nos valets de chambre " (sic !). Aussi une évocation de la curieuse personnalité du peintre, numérologiste et ésotériste portugais (dans la lignée de Fernando Pessoa) Lima de Freitas (I927-1998) qui fut également armé CBCS sous le titre de " Josephus Maria Eques a Quinque Stella " au sein du Grand Prieuré Indépendant de Lusitanie. Puis une étude de l’évolution de la revue " L’Anti – matérialisme " de Jules Lessard alias " Verdad " au cours des années 1880 montrant le passage d’un spiritisme socialisant à l’occultisme sous les influences combinées de Barlet, Fabre des Essarts et d’autres, ou encore de la " révélation " que fut la publication des premiers ouvrages de Saint Yves d’Alveydre. Enfin, un remarquable extrait du livre d’entretiens entre Serge Caillet et Xavier Cuvelier-Roy paru depuis sous le titre " Les Hommes de Désir " au Mercure Dauphinois et qui est une façon particulièrement vivante et plaisante d’aborder la question ardue du martinisme, de son histoire plus que complexe, au travers de ses filiations, des diverses " légitimité ", etc.

Dans le second numéro, aussi varié et copieux que le premier, nous avons spécialement noté : d’abord la présentation d’un document provenant d’une vente récente à Lyon et qui est la première version connue que fit Stanislas de Guaita du symbole de la Rose Croix pour l’Ordre Kabbalistique de la Rose Croix avec explications et renvois documentaires du susdit ; puis un intéressant article, dans l’esprit de Claude Gaignebet et de l’encore trop méconnu Paul Gordon sur " Le voyage initiatique chez François Rabelais ". Suit une longue contribution intitulée " L’église gnostique, Histoire et révélations ". Ces pages laissent légèrement perplexe ; nous sommes là dans un genre quelque peu spécial à mi-chemin entre (effectivement) Histoire et hagiographie (mais qui ne se donne pas comme telle), entre filiations " immémoriales " et/ou mythiques et annonces informatives et prédictives (celui d’un "World Gnostic Council" pour dans deux à trois ans) et voie "intérieure" quoiqu’un peu manifestée tout de même ! Cela prouve au moins la vivacité de l’idée gnostique.

Enfin, un article très bien documenté est consacré à un aspect peu connu de l’œuvre d’Edmond Bailly (1850-1916), libraire-éditeur fameux, dont la " Librairie de l’Art indépendant " fut l’un des carrefours où se rencontrèrent ce qui se faisait de plus brillant et novateur dans la littérature de la fin du XIXe siècle et les mouvements ésotéristes ou occultistes alors en plein essor. Il s’agit de la revue " Libres Etudes " qui n’eut qu’un an d’existence (1909-1910) ; à côté de " La Gnose " de Palingenius-Guénon, cette revue proposa avant Ivan Aguéli ou d’autres érudits s’intéressant à l’ésotérisme de l’Islam une approche s’appuyant sur des sources solides et authentiques. Toute une série de textes soufis arabes et persans seront traduits avec soin et publiés dans la revue. Il en sera de même pour l’hindouisme avec ceci de remarquable, c’est que Bailly, même s’il est proche des théosophes comme le veut l’époque, cherche à offrir un accès direct aux textes hindous traditionnels. Enfin la revue se préoccupe aussi de la tradition occidentale avec la présentation de textes néo-platoniciens ou de l’église primitive, mais aussi de Swedenborg ou de Wronski. Une rubrique "notes et informations" témoigne, outre de la prodigieuse et fascinante efflorescence à cette époque des découvertes et des recherches dans ces domaines "à part", de l’extraordinaire liberté d’esprit qui y présidait et de confluences qui nous paraîtraient aujourd’hui bien inattendues.

"Les cahiers de l’ailleurs" font eux-mêmes un vif effort dans ce sens avec des compte-rendu abondants de livres, de revue ou de sites internet. La revue possède également son site : http://www.lescahiersdelailleurs.fr/