Les premières franc-maçonnes au siècle des Lumières

de Janet Burke et Margaret Jacob, avec une préface de Cécile Révauger, et un avant propos de Jean-Pierre Bacot et Laure Caille. Deuxième édition revue et corrigée.

Pessac : Presses universitaires de Bordeaux, 2011, 190 p. (Collection Monde maçonnique)

ISBN 978-2-86781-713-7.

par Hannah

Présentation de l'éditeur

Depuis le début du XVIIIe siècle, la franc-maçonnerie a le plus souvent été associée au monde masculin. Il en est de même aujourd'hui, en dépit d'évolutions significatives. Or on trouve trace d'une présence féminine dès le XVIIIe siècle, dans les loges dites "d'adoption". Qui étaient ces premières franc-maçonnes? Que faisaient-elles, que disaient-elles quand elles se retrouvaient dans ces espaces de sociabilité privilégiés, à l'abri des regards indiscrets ? Quelle place accordaient-elles à leurs rituels et aux actions caritatives? Dans quelle mesure ces loges furent-elles des créations masculines ou bien au contraire de véritables lieux d'émancipation féminine, c'est bien la question de fond, et celle que posent ici avec une grande clarté Margaret Jacob et Janet Burke. On croyait que la première loge d'adoption était celle de La Haye, or il se pourrait fort qu'elle ait été bordelaise. Bien que les loges d'adoption à Paris comme en province aient surtout attiré des aristocrates telles que la princesse de Lamballe, elles ont permis à plusieurs femmes d'accéder à la culture des Lumières par des rites de passage qui leur étaient propres.

Margaret Jacob est professeure au département d'histoire de l'Université de Californie (UCLA), Janet Burke est professeure à l'Arizona State University. Toutes deux ont publié plusieurs articles sur les Lumières, la franc-maçonnerie et les femmes. Margaret Jacob est l'auteure notamment de The Radical Enlightenment ; Pantheists, Freemasons and Republicans, Londres et Boston, Allen & Unwin, 1981 (rééd. 2003), Living the Enlightenment : Freemasonry and Politics in Eighteenth Century Europe, 1991, Oxford University Press, (trad. fr. Les Lumières au quotidien, franc-maçonnerie politique au siècle des Lumières, Paris, éditions de l'Orient) et de The Origin of Freemasonry. Facts and Fictions, University of Pennsylvania Press, 2005.

La collection Monde Maçonnique a pour vocation de faire connaître la franc-maçonnerie à un large public, dans une perspective historique qui intègre les dimensions sociales, culturelles, religieuses et politiques. Elle est dirigée par Cécile Révauger.

L'ouvrage

Il est le premier de la collection. C'est la première collection universitaire consacrée à l'histoire de la Franc-maçonnerie en France.

L'ouvrage rassemble quatre articles publiés à l'origine séparément, en anglais, et une étude sur la Loge d'adoption de Bordeaux, par Margaret Jacob.

On y trouve 10 pages centrales d'illustrations en couleurs, et 13 pages qui reprennent le rituel de l'Amazonerie anglaise, en fac-simile.

Il est cité plusieurs fois dans le livre de Jan Snoek : Le rite d'adoption et l'initiation des femmes en franc-maçonnerie des Lumières à nos jours.

Démarche scientifique

Les recherches de ces deux auteures Américaines se basent sur des documents d'archives anciens, dits "de Moscou", parce qu'ils ont été restitués à la France dans les années 90 par la Russie. Ils avaient été confisqués par les services secrets Allemands au début de la deuxième guerre mondiale.

Ces textes sont encore trop peu étudiés, alors que le idées reçues et les légendes circulent librement dans la littérature maçonnique sur le sujet. La Maçonnerie des dames, qui se pratiquait au XVIIIe siècle dans des loges dites "d'adoption", souvent mixtes, est victime de préjugés : on l'accuse de paternalisme, d'être un instrument de minoration des femmes, voire d'avoir été créée pour occuper les femmes dans des oeuvres de bienfaisance.

Ces recherches sont parues en anglais il y a une dizaine d'années, mais n'avaient pas encore été traduites. Elles montrent que les premières loges d'adoption étaient réellement des lieux d'émancipation féminine, si on resitue cette émancipation dans son contexte historique, et si on prend la peine d'étudier leurs rituels.

L'ouvrage compte 5 chapitres, tous publiés séparément à l'origine, et dont l'avant-propos situe la cohérence d'ensemble. Ils sont présentés de manière globalement chronologique.

On peut être un peu dérouté par le manque de fil conducteur, mais cette difficulté est vite dépassée, étant donné l'intérêt du texte.

Contenu

Le premier chapitre, La franc-maçonnerie, l'amitié et les dames de la noblesse : le rôle des sociétés secrètes dans la diffusion des Lumières chez les élites féminines prérévolutionnaires, est de Janet Burke. à travers la vie de la princesse de Lamballe, elle décrit l'engagement des premières franc-maçonnes envers les idées des Lumières, et leur attachement à la Fraternité et à l'Amitié.

Dans le deuxième, La franc-maçonnerie, les femmes et le paradoxe des Lumières, Margaret Jacob prend l'exemple de la Loge de Juste, à La Haye, pour étudier l'évolution des fondamentaux de la franc-maçonnerie que sont le secret et l'exclusion des femmes. Cette loge, cosmopolite et francophone, comptait bon nombre de comédiennes, qui y tenaient des offices féminisés. Mais malgré cette liberté assumée en loge, la société restait enfermée dans le conformisme.

Le troisième chapitre, La franc-maçonnerie française, les femmes et la critique féministe, rassemble les deux auteures autour de la critique des recherches historiques féministes. Selon elles, les femmes, que ce soit dans les salons ou en loge, ont oeuvré à la diffusion des idées des Lumières. Dans les Salons, elles jouaient un rôle de modérateur. En loge, elles servaient de garde-fous contre les accusations portées contre la franc-maçonnerie de l'époque, mais elles apprenaient aussi à devenir plus autonomes, plus responsables d'elles-mêmes, plus fraternelles.

Le quatrième chapitre, L'éloignement des Lumières : les franc-maçonnes après la Révolution, écrit par Janet Burke, retrace l'évolution, et surtout la régression des idées progressistes des Lumières après la Révolution. On a assisté à un rél appauvrissement spirituel et rituel à cette époque.

Les femmes dans la franc-maçonnerie au XVIIIe siècle et le paradoxe du secret : la loge anglaise de Bordeaux, est une étude de Margaret Jacob. àpartir de la chronique de la Loge "L'Anglaise de Bordeaux", rédigée en 1817, elle a retrouvé des traces de la loge d'adoption qui se tenait en ville en 1740, soit avant la création de la Loge de Juste à La Haye (1751). Cette loge d'adoption serait la première en Europe.