Religio Duplex
Jan Assmann
par Gérard Gendet
Dans l’ouvrage intitulé Religio Duplex, Comment les Lumières ont réinventé la religion des Egyptiens[1], Jan Assmann considère que c’est en effet à cette époque que se cristallise la thèse d’une double religion présente en Egypte depuis la haute antiquité et que la maçonnerie aurait peu à peu redécouverte en la décelant dans diverses sources littéraires. L’enquête menée par Assmann rassemble les éléments de cette genèse. Elle se veut historique et sociologique. Nous nous concentrons essentiellement sur la recension des quatre premiers chapitres de l’ouvrage, respectivement intitulés :
- Les bases égyptiennes : le double sens des signes ;
- Du double sens des signes à la double religion ;
- Religio duplex et théologie politique ;
- La religio duplex et la franc-maçonnerie.
Ils sont suivis d’un cinquième chapitre consacré à l’homme dédoublé et à la question du cosmopolitisme religieux à l’ère de la globalisation et d’une conclusion qui s’interroge sur l’existence des religions doubles et, de manière prospective, sur la religio duplex aujourd’hui.
Une Annexe très fournie rassemble des « Matériaux sur la recherche maçonnique à propos des Mystères », constituée de trois sections :
- Les francs-maçons à la recherche de leur passé.
- Beyerlé et Starck à propos des Mystères, de la double religion et de la franc-maçonnerie.
- Les études sur les Mystères parues dans le Journal fûr Freymaurer.
Un appareil très complet de notes se trouve en fin de volume.
Au cours des XVIIe et XVIII e siècles se développe l’opposition entre la religion naturelle et la religion révélée, ou religion « positive »[2], que l’on peut résumer par l’opposition entre la raison et la foi. Elle recouvre deux conceptions de Dieu, le Dieu des philosophes et le Dieu des Pères. Par « religion naturelle », il faut entendre une sorte de religion originaire qui suit l’instinct que la nature met en nous et qu’on se représentait comme un monothéisme, ou plutôt comme un panthéisme, un « Spinozismus ante Spinozam »[3]. Elle contient l’idée d’une cause première d’où tout est issu selon la formule grecque Hen kai Pan, littéralement « l’Un et le Tout », ou le « Un-Tout ». La formule est généralement attribuée à Héraclite. Mais, aux yeux des Lumières, une autre origine encore plus lointaine se fit jour : « un certain nombre d’érudits croyaient pouvoir établir que cette religion panthéiste originaire de l’Un comme Tout existait dans l’Egypte antique »[4]. Elle passait pour le savoir le plus ancien de l’humanité. C’est à partir des descriptions transmises par les auteurs Grecs que naquît cette image de la religion de l’Egypte ancienne comme religio duplex. Parmi les plus importantes on compte le traité de Plutarque (46-125) Isis et Osiris et l’écrit du néoplatonicien Jamblique (242-325) connu depuis la Renaissance sous le titre Sur les mystères égyptiens (De mysteriis Aegyptorum). A celles-ci s’ajoute dans l’Antiquité tardive une vaste littérature gréco-égyptienne de type religieux comprenant des papyrus magiques et les traités du Corpus Hermeticum, très imprégnés de motifs et de conceptions néoplatoniciennes. Selon Assmann cette littérature, qui eu une grande influence à l’époque des Lumières, contient en substance l’idée d’une dissociation entre une religion du peuple et une religion des élites.
De manière très approfondie Assmann examine les différentes étapes du processus par lequel est né le phénomène de la religio duplex et pourquoi les francs-maçons ont cru à la thèse de l’Egypte antique comme étant à l’origine et l’initiatrice de ce type de religion. Thèse qui repose largement sur des méprises et des erreurs. Grâce à son expérience d’égyptologue, Assmann commence par dresser l’état de la situation politique et sociale à la fin de la civilisation égyptienne et l’interprétation qu’en firent les Grecs. L’Egypte ancienne fut successivement soumise à la domination des Perses, des Grecs puis des Romains et selon l’auteur, en réaction aux dominations étrangères, il y eu de la part des élites égyptiennes, dépossédées du pouvoir politique, socialement dégradée, une cléricalisation de la culture qui se réfugia dans le secret des temples, donnant ainsi prétexte à une distinction entre religion populaire et, derrière celle-ci, une sagesse profonde, inaccessible au peuple et réservée aux « sages ». A cela s’ajoutent les concepts du sacré et du secret très proches l’un de l’autre, le sacré étant considéré comme ce qui est secret par excellence dans la religion égyptienne. Les textes sacrés, destinés à la récitation, mettaient en œuvre un procédé qu’il appelle « interprétation sacramentelle », fondée sur l’idée d’un double sens de l’écrit, « une sémantique à double fond »[5], reposant sur la distinction entre un sens littéral et un sens mystique, entre « le niveau des phénomènes et le niveau de la signification secrète ». Le second sens ayant un aspect transformant. Celui qui en use lors d’un rituel bien réglé se transfigure. Assmann y voit un procédé permettant de forger une interprétation qui présuppose la distinction entre un monde matériel et temporel où se déroulent les rites et un monde des dieux ; cette dualité remontant à la haute Egypte, deux à trois millénaires avant notre ère. C’est dans cette antique tradition, pense-t-il, que réside le vrai noyau de la conception que se firent les Grecs des Mystères Egyptiens.
Les francs-maçons du 18ème siècle n’avaient pas accès à la signification des hiéroglyphes, dont le déchiffrement commença avec Champollion en 1822. Néanmoins l’idée qu’ils se firent de l’écriture de l’Egypte ancienne, ou plutôt de ses différentes écritures, explique l’image qu’ils projetèrent sur sa religion et sa culture. La première erreur pointée par Assmann réside dans la conviction de la présence de deux écritures. L’une cursive destinée à tous, le démotique ( « démotique » vient du grec dêmos, « peuple » et signifie « écriture du peuple »), l’autre hiéroglyphique qui n’était que pour les prêtres (d’où le nom de hiéroglyphes, du grec hieros, « sacré », hiereus, « prêtre »). En réalité on utilisait en Egypte trois écritures : « l’écriture hiéroglyphique pour les inscriptions monumentales ; le hiératique, une écriture cursive, pour les manuscrits sur papyrus et autres matériaux ; et enfin une écriture cursive encore beaucoup plus simple pour la langue vernaculaire, le démotique ». Aujourd’hui nous savons qu’il s’agit de trois variantes d’un unique système d’écriture[6]. Déjà au 1er siècle av. J-C. Diodore de Sicile interprétait le démotique comme le système général d’écriture, appris par tous, et l’écriture sacrée comme une écriture qui n’était utilisée que par les prêtres et enseignée dans le cadre des Mystères. Deux cents ans plus tard Clément d’Alexandrie (150-220) restitue plus précisément cette triple forme d’écriture et décrit son apprentissage comme un chemin initiatique, l’écriture hiéroglyphique formant le couronnement d’une culture sacerdotale. A la façon de Diodore, il comprend l’apprentissage des hiéroglyphes comme le degré le plus élevé de l’initiation aux Mystères égyptiens, mais pour lui la frontière entre la face extérieure et la face intérieure, entre le profane et le sacré, entre le niveau exotérique et le niveau ésotérique de la culture égyptienne, passe entre l’écriture épistolaire (démotique) et les deux écritures sacerdotales (hiératique et hiéroglyphes), qui marquent à leur tour différents degrés du secret dans les Mystères des temples. En outre Clément distingue dans l’écriture hiéroglyphique les signes élémentaires et les symboles. Les symboles se subdivisant à leur tour en trois sortes : la simple imitation, le transposé ou « tropique » et enfin l’allégorique ou énigmatique[7]. Porphyre de Tyr (234-305) traite également des écritures égyptiennes dans le cadre de l’initiation aux Mystères égyptiens, en l’espèce l’initiation de Pythagore, censé avoir étudié des dizaines d’années auprès des prêtres égyptiens. Lui aussi distingue trois types d’écriture qu’il nomme « épistolographe », « hiéroglyphe » et « symbolique »[8]. Clément et Porphyre établissent tous deux une relation entre l’écriture hiéroglyphique et l’idée d’une cryptographie liée à sa fonction dans les Mystères. En résumé, dans cette conception d’une double culture strictement scindée entre exotérique et ésotérique réside la nécessité d’une double écriture et inversement. C’est sur cette opposition (hiéroglyphes = écriture ésotérique, cursive = écriture exotérique) que s’est progressivement édifiée l’idée de la double religion.
La seconde erreur tient au caractère figuratif des hiéroglyphes, médium (présumé) de la communication ésotérique. Les Grecs conclurent que les hiéroglyphes avaient une double fonction : 1. Ils ne se rapportent pas à la langue (c.à.d. aux phonèmes ou à la valeur phonétique des signes d’écriture), mais directement aux choses et aux concepts. 2. Ils obéissent au principe de l’image condensée et de la « signification immédiate »[9]. Et là encore il s’agissait d’une erreur lourde de conséquences pour l’histoire des idées car elle se perpétuera jusqu’à la Renaissance et au-delà [10]. Cette théorie repose sur une œuvre de l’Antiquité tardive, les Hiéroglyphica d’Horapollon Nilotès, un égyptien du Ve siècle apr. J.-C. Cet auteur fait complètement abstraction de la valeur phonétique des signes d’écriture et la remplace par un autre savoir, qui considère les hiéroglyphes comme l’expression des propriétés des choses qu’ils représentent. A titre d’exemple la figure du crocodile signifie méchanceté, celle du lion la royauté, etc. Aussi faut-il connaître la méchanceté du crocodile pour comprendre le signe. Avec la redécouverte d’Horapollon en 1419 la question apparut sous un jour encore différent. Les hiéroglyphes ne se rapportaient pas seulement aux choses qu’ils représentaient, mais aussi à des concepts abstraits qu’il fallait découvrir à partir des images, sur le mode de l’allégorie ou de l’énigme[11]. Pour cela on se réclama du principe de l’écriture hiéroglyphique tel que l’envisageait Plotin, dont Jamblique fut l’élève, et sur le commentaire qu’en fit Marsile Ficin. Dans ce cadre le mécanisme des hiéroglyphes apparaît comme « une forme de communication iconique compacte en lien avec la fonction de communication ésotérique dans le cadre des Mystères »[12], permettant d’établir des relations entre le microcosme et le macrocosme. Pour Assmann certains traits de l’écriture hiéroglyphique ont favorisé cette méprise. D’abord leur caractère figuratif car ils représentent effectivement quelque chose de reconnaissable, une sorte d’écriture par les choses. En second lieu certains signes se rapportent seulement à une classe sémantique comme « dieux », « personnes », « espace », « plantes », etc., pour laquelle la langue égyptienne ne possède aucun mot. Assmann illustre ce concept avec le signe du crocodile comme déterminatif d’une classe de mots tels que méchanceté, agressivité, attaque, rapacité, etc. Par ce signe on désigne une propriété qui se manifeste de façon exemplaire dans le comportement du crocodile qu’on pourrait circonscrire par le terme de « crocodilité ». Ce concept n’est articulé que dans l’écriture, pas dans la langue. Ce signe ne se rapporte pas à un mot, mais à un concept qui se déploie dans un discours sur la méchanceté et l’agressivité.
Enfin la troisième erreur, celle-là propre au XVIIIe siècle, avait été de théoriser la formation et l’évolution des langues et de l’écriture avec le présupposé que l’on était progressivement passé des hiéroglyphes aux lettres, c’est-à-dire par l’image avant de construire des argumentations logiques au moyen de phrases composées avec des lettres[13]. Nous avons un aperçu de l’application de ces concepts chez Louis-Claude de Saint-Martin. Dans son roman initiatique précisément intitulé Le crocodile, ou la guerre du bien et du mal, arrivée sous le règne de Louis XV (1799), poème épico-magique en 102 Chants[14], l’auteur réfère explicitement à l’Egypte. Il prend le crocodile pour un être cruel et fourbe, un animal infernal symbole du mal. Le Chant 70 est un long passage (pp. 138-175) qui constitue la réponse à la question de l’Institut qui était de déterminer « Quelle est l’influence des signes sur la formation des idées ? ». Dans De l’esprit des choses il consacre plusieurs articles aux langues et en particulier l’un d’eux intitulé : « Les hiéroglyphes sont antérieurs aux lettres alphabétiques » [15].
De la méprise d’une double compréhension de l’écriture accompagnée d’un double usage des signes naquit l’idée d’une double religion, une religio duplex. C’est la seconde étape de la démonstration d’Assmann. Pour ce, il effectue un détour par le XIIesiècle par le truchement du philosophe juif Moïse Maimonide, dans l’œuvre duquel il voit se dessiner la théorie d’une religion à double face déduite de l’interprétation des lois rituelles juives. Il n’est pas question de degrés comme dans la thèse scolastique des quatre niveaux de sens mais de la distinction entre communication ésotérique et communication exotérique. Maïmonide théorise que la religion biblique, unissant loi morale, loi juridique et loi rituelle est à double fond. Elle apparaît comme le récipient temporel d’une vérité intemporelle qui est cachée en son sein, échappant à tout changement historique, qui va s’imposer progressivement au cours d’un long processus de dépouillement des formes cultuelles idolâtres considérées comme inférieures, en même temps que se précise un retour à la pure connaissance de Dieu [16]. Il y aurait donc dans la religion biblique une dimension ésotérique et une perspective historique par le fait qu’elle est un emballage temporel d’une vérité qui échappe totalement aux païens et qui reste réservée au peuple élu, de manière voilée. Autrement dit l’idée d’une théologie politique exotérique et une théologie philosophique ésotérique, d’une scission entre la classe sans savoir et l’élite éclairée. Selon Moshe Halbertal[17] Maimonide peut donc être considéré comme un représentant précoce de la théorie de la religio duplex au sens précis qu’elle aura au siècle des Lumières, mais seule la religion biblique possède chez lui ce double fond, alors que la religion païenne est « plate et univoque ». En revanche aux XVIIe et XVIIIesiècles ce fut justement la religion païenne, en particulier la religion égyptienne qui fut représentée comme une religio duplex. On comprend dès lors la possibilité d’une convergence entre la religion juive interprétée par Maimonide et les Mystères égyptiens. L’ensemble va permettre aux philosophes anglais du 17ème siècle, en ces terres où la Réforme a déjà semé les germes de la pensée moderne, où le déisme prolifère et prospère, d’esquisser la théorie de la religio duplex. Pour Assmann, à partir de l’étude des religions du paganisme naît ainsi logiquement au XVIIe siècle la conception de la double religion ou de la religion des Mystères[18].
Cette voie sera d’abord empruntée par John Spencer (1630-1696), qui discerne dans la religion égyptienne une structure qui sert de modèle à la religion révélée juive, puis généralisée par le philosophe platonicien et hébraïsant de Cambridge, Ralph Cudworth (1617-1688), contemporain de Locke, Newton et Leibniz. Pour établir cette concordance Spencer reprend dans une visée chrétienne la théorie de Maïmonide d’une double finalité, c’est-à-dire la conception que Dieu voulait cacher certaines choses plus sacrées sous le voile de symboles et de types : « Ce principe du double chiffrage est ce que les Hébreux et Moïse durent apprendre et reprendre des Egyptiens »[19]. Il retrouve cette même idée dans un passage d’Eusèbe de Césarée (265-339), rapportée au Logos :
Maintenant que nous avons parcouru les exhortations des saintes lois, le mode de symbolisme allégorique qui s’y déploie, voici ce qu’on pourrait signaler encore : divisant toute la race juive en deux classes, le Logos soumettait la masse aux avis explicites des lois selon le sens littéral, mais tenait quitte de cette littéralité l’autre ordre, celui des experts, pour leur demander de s’attacher à une philosophie plus divine, trop haute pour la multitude, et à l’étude de la signification des lois selon le sens [20].
Pour Spencer la Loi apparaît comme une « coquille » (cortex), dans laquelle une vérité est transmise sous forme voilée, vérité qui dans son sens mystique « mène au Christ et à l’Evangile »[21]. C’est ce que l’on appelle la doctrine de l’accommodation par laquelle Dieu use de ruse pour conduire l’homme en s’adaptant à l’usage du temps. A la même époque et au même endroit, Ralph Cudworth, qui appartenait au groupe des « platoniciens de Cambridge » qui prolongeait la tradition du platonisme de la Renaissance florentine, développait une image identique de la religion de l’Egypte ancienne comme religio duplex, mais il poursuivait un tout autre but. Pour Cudworth, la religion se divise en deux théologies : une religion populaire pour la masse et une théologie secrète pour l’élite. Son ouvrage, True Intellectual System of the Universe (Londres, 1678, 2ème édition en 1743), poursuivait un but polémique : la réfutation de l’athéisme. Il entendait démontrer deux choses : 1. Que la croyance en un seul Dieu était commune à tous les peuples et à toutes les religions du monde ; 2. Que ce Dieu Un à toujours été compris comme un être spirituel, non comme une matière, et qu’en conséquence l’athéisme est une invention de la philosophie grecque. D’où l’idée d’une Unité suprême comprise comme un théisme qui, dans le contexte du 18ème siècle, évoluera vers le déisme. Dans ce cadre il est essentiel pour Cudworth de défendre la théologie de l’Egypte ancienne contre l’accusation de n’avoir adoré en fin de compte que le cosmos et les astres[22]. A partir de certaines sources il entreprit de reconstruire toute la théologie du monde antique et celle de l’Egypte ancienne. Il entendait démontrer que toutes les religions aboutissaient au fond au monothéisme de l’ « Un comme Tout ». Dans cette œuvre, il met en évidence « l’idée de l’Un comme Tout en tant que quintessence de la religion et de la théologie de l’Egypte ancienne, ou plutôt d’une théologie égyptienne. Car il y en avait deux : une public et une arcane theology » [23]. Pour Cudworth toutes les religions antiques sont en quelque sorte à double fond, elles ont une face extérieure, sous la forme de la religion officielle, et une face intérieure, sous la forme des Mystères ; une religion populaire pour la masse et une théologie secrète pour l’élite. Autrement dit toutes les religions antiques renvoient sous une forme ou sous une autre à une unité suprême. Il en ressort que chaque figure d’autorité du paganisme aurait, dans sa propre tradition, annoncé une préfiguration du monothéisme. Parmi ces figures païennes on trouve Orphée, La Sybille (les Oracles sibyllins), Hermès Trismégiste, Pythagore, Platon. La forme originaire de toutes ces doubles religions étant la religion des Egyptiens anciens. La présentation de Cudworth peut être considérée comme la formulation classique de la religio duplex bien qu’il n’emploie pas l’expression. Selon cette thèse toutes les religions et les innombrables autres formes ultérieures de la connaissance de Dieu en seraient issues. Il reconstruisit donc la théologie de l’Egypte ancienne dans le sens d’une « double religion », organisée en une théologie vulgaire pour le peuple et une théologie secrète qui n’était communiquée par initiation qu’aux rois et aux prêtres. Pour la tenir secrète, les Egyptiens utilisaient, selon Cudworth, les allégories et les hiéroglyphes en suivant l’interprétation évoquée plus haut. Celle-ci n’étant d’ailleurs nullement une spécificité égyptienne : toutes les religions ayant une face extérieure et une face intérieure, avec une doctrine secrète accessible aux seuls initiés[24]. Cudworth propose une construction platonicienne de sa théologie égyptienne de l’arcane du Dieu caché, qu’il illustre en usant d’un nombre considérable de sources antiques, de Plotin, Jamblique, du Corpus Hermeticum, du traité de Plutarque Isis et Osiris, mais surtout d’Origène dans Contre Celse, de Clément d’Alexandrie. En fait Cudworth, s’il ne découvre pas la religion de l’Egypte ancienne, (re)découvre une théorie de l’Antiquité tardive, provenant surtout du moyen platonisme et du néoplatonisme, selon laquelle derrière chaque religion officielle il y a une tradition secrète. Toute tradition est double, avec un versant exotérique et un versant ésotérique[25]. Avec une autre thèse tout aussi fondamentale, celle que la vérité n’existe que sous une forme voilée, qu’elle ne peut jamais être perçue directement par la raison discursive et n’est de toute façon accessible que par allusion, approximation, énigmes, allégories, signes ou symboles : « Le monde phénoménal est le voile par lequel la vérité tout à la fois se révèle et se dissimule. La vérité est difficile d’accès, et seul le sage peut se risquer à s’approcher au moins d’elle »[26]. C’est l’idée platonicienne d’une vérité qui est cachée, ou difficilement accessible. L’œuvre écrite en Anglais fut traduite en latin par Johan Lorenz von Mosheim (1693-1755) la rendant accessible aux érudits européens. Ces positions alimenteront les controverses théologiques du XVIIe et surtout du XVIIIe siècle, en particulier celle portant sur la distinction entre le Dieu biblique des pères et celui des philosophes, le premier étant personnel, révélé, alors que le second est un dieu transcendant partiellement accessible à la connaissance moyennant une initiation. En résumé, ce fut le 18ème siècle qui réinventa, par le biais de l’Egypte antique et de l’alliance entre l’écrit et le secret, la distinction classique entre ésotérique et exotérique. Grâce à Cudworth, conclue Assmann, cette théorie acquit par la suite « une importance qu’on ne saurait surestimer pour le siècle des sociétés secrètes [...] qui s’en saisirent avec avidité »[27].
La troisième étape combine théologie politique et religio duplex. A côté de l’interprétation philosophique esquissée ci-dessus, qui voit la division de la religion en un versant exotérique et un versant ésotérique dans l’inégale répartition des capacités intellectuelles des hommes, apparaît aux XVIIe et XVIIIe une interprétation politique qui ira toujours s’affirmant plus clairement. Elle prend appui sur le concept de « théologie politique », sous-tendue par une critique déiste et athée de la religion institutionnalisée. Le rationaliste John Toland (1670-1722) infléchit la thèse de la religio duplex vers une interprétation politique en affirmant que la doctrine exotérique, c’est-à-dire la religion populaire, est au service de l’Etat et de ses institutions et qu’elle repose sur des « mensonges », sur la tromperie des prêtres au service de la politique [28]. Un ecclésiastique anglican, William Warburton (1698-1779), reprend cette interprétation politique de la religion double, mais argumente qu’un fondement religieux est indispensable à l’ordre politique et social d’un Etat. Ses deux ouvrages, Alliance between Church and State (1736) et The Divine Legation of Moses [29] (1738), qui sont une réfutation du déisme et une défense de la religion révélée, eurent une influence considérable, à un point tel que Voltaire (1694-1778), qui tirera du déisme sa philosophie religieuse, ne ménagea pas ses répliques à leur auteur. Dans le premier il établit que la religion a besoin de l’Etat et que l’Etat a besoin de la religion, s’il ne veut pas être perverti. Dans le second, il s’efforce de démontrer qu’un Etat ou une société civile sans religion n’a jamais existé. Pour Warburton, une religion ordinaire a besoin, pour se soutenir, de la croyance en l’existence d’un état futur. De même un gouvernement ordinaire a besoin, pour la bonne marche de la société, de la croyance en la doctrine des récompenses et des peines qui nous attendent après cette vie. Il en déduit que ni l’Etat ni l’ordre civil ne pourraient subsister sans une espérance eschatologique et sans une évaluation de la conduite terrestre de chacun dans l’au-delà. Or, reconnaît-il, ni la croyance à un état futur, ni la doctrine de la récompense et des peines ne se trouvent dans la loi mosaïque [30]. D’où cette question : Que faut-il donc en conclure de la mission divine de Moïse ? Pour élaborer sa démonstration, qu’il ne mènera pas à terme, Warburton reprend la théorie de la religion double appliquée au monde païen, « divisée en religion publique et privée »[31]. Il se représente la religion « publique » comme un culte sacrificiel accompagné de rites et de fêtes. Mais c’est la religion « privée » (private) qui retient son intérêt. Ce terme ne désigne pas une religion intériorisée mais une institution à caractère politique : « les Mystères », où se déroule l’enseignement proprement moral sur la vie après la mort, sur lequel reposent l’ordre étatique et la société civile. Avec encore un dédoublement, cette fois-ci à l’intérieur des Mystères eux-mêmes : les « Petits » et les « Grands » Mystères. En fait souligne Assmann il s’agit d’une religio triplex divisée en religion populaire, Petits Mystères et Grands Mystères. La religion populaire ne comprend que les fictions et les illusions ; dans les Petits Mystères, sans toucher à ces fictions, c’est de l’au-delà qu’il s’agit, c’est-à-dire des lois de l’Etat, de la société civile et de la morale générale ; enfin les Grands Mystères, dont le caractère secret et exclusif est affirmé, détruisent les fictions et conduisent les adeptes à l’époptie[32], à la vision de la vérité. L’initiation est donc essentiellement perçue comme un long processus de « dessillation » [33]. Ce n’est seulement que dans les Grands Mystères que s’accomplit le passage de la religion officielle, fictive, à la religion secrète, la vraie religion. D’où la nécessité du secret absolu pour maintenir la coexistence des deux religions qui s’excluent réciproquement au sein d’une seule et même société. Warburton illustre sa thèse par un nombre impressionnant de citations provenant des écrivains de l’Antiquité. L’Enéide de Virgile, l’initiation d’Apulée aux Mystères d’Isis, le fragment de Plutarque transmis par Stobée dans lequel les expériences de mort imminente sont comparées à l’initiation aux Grands Mystères[34]. Il souligne le caractère exclusif des Grands Mystères à partir d’un passage de Clément d’Alexandrie tiré de Stromates V, 7, 41, 1 : « Les Egyptiens ne confiaient pas aux premiers venus les Mystères qu’ils détenaient et ne communiquaient pas aux profanes la science des choses divines ; mais ils les réservaient à ceux-là qui devaient accéder à la royauté, et parmi les prêtres à ceux qui étaient jugés les plus éprouvés par l’éducation, l’instruction et la naissance »[35]. Plutarque dans son traité Isis et Osiris mentionne aussi des rois initiés. Pour Warburton ces textes soulignent le lien entre politique et religion, les Grands Mystères étant d’abord destinés à ceux appelés à exercer le pouvoir. Mais il n’en reste pas là. Le passage des Petits Mystères au Grands signifie l’abandon du caractère erroné et fictif des choses et l’accès à la vision directe de la vérité. Là encore il s’appuie sur Stromates V, 11, 71, 1, selon lequel au dernier degré des Grands Mystères, « il ne reste plus à apprendre, mais à contempler (epopteuein) et à pénétrer par la raison (perinoein) la nature et les réalités (pragmata) »[36]. Ce qui s’offrait à la vision c’était la raison de toutes choses, le Hieros Logos, la Nature universelle ou la Cause première à laquelle tout doit son existence, l’Un-Tout[37]. Dans le livre troisième de la Divine Legation, Warburton évoque les Grecs et la philosophie et parle d’une doctrine double (twofold), ou d’une philosophie double, une philosophie exotérique et une philosophie ésotérique, doctrine provenant selon lui des Egyptiens qu’il étaie en renvoyant au traité hermétique Asklépios. Dans le quatrième livre il revient sur l’Egypte et montre à l’aide de l’analyse grammatologique des hiéroglyphes l’âge et le développement des Mystères Egyptiens.
La théorie des Mystères de Warburton peut se résumer ainsi. Premièrement, par le truchement de la théologie naturelle les païens étaient parvenus à la connaissance du Dieu unique. Deuxièmement, cette connaissance était tenue secrète parce que son dévoilement aurait fait s’effondrer les fictions de la religion populaire sur laquelle l’Etat et la société reposaient. Aux sages était réservée la religion supérieure et secrète, pour qui la divinité était accessible moyennant une initiation, sa compréhension directe, intellectuelle et scientifique. Pour le peuple, la divinité se faisait connaître d’une manière indirecte au moyen d’images et d’allégories, dans le cadre d’une religion populaire basée sur l’« illusion ». Revenons maintenant à la question initiale de Warburton à propos de Moïse et de la religion révélée. Qu’en conclure ? Que Moïse se fondait, non pas sur des valeurs ordinaires, suffisantes pour une religion purement humaine, mais sur des valeurs extraordinaires, exceptionnelles, surhumaines, divines... « La religion de Moïse est fondée sur une révélation divine comme modèle d’une religio simplex »[38]. Moïse a surmonté la religio duplex parce qu’il n’avait plus besoin ni de la fiction d’une théologie politique ni de la théologie naturelle. Avec la révélation de la Loi et placés sous la direction de Dieu, les israélites n’avaient plus besoin, comme les autres peuples, de se soucier de l’immortalité et de la rétribution dans la vie future.
Bien que personne n’ait suivi Warburton dans sa reconstruction des Mystères antiques qui subit de multiples critiques, d’ailleurs justifiées car dans les Mystères il n’était question ni du Dieu des philosophes, ni de la religion de la raison, ni de la théologie naturelle, pas plus que la coexistence des deux religions ait une base historique plausible, son œuvre eut un retentissement considérable, en particulier au sein des sociétés secrètes et maçonniques. Ce qui fut retenu de son œuvre et joua un grand rôle comme paradigme de la double religion[39], ce fut d’une part la théologie politique attachée aux Mystères, comme stratégie cynique du pouvoir, et d’autre part la place occupée par les hiéroglyphes dans la culture égyptienne. Près d’un siècle plus tard note Assmann on retrouvera une théorie des Mystères du même genre chez Schelling différemment interprétée, où les oppositions se situent au sein d’une même religion, entre mythologie et mystère, entre l’exotérique de la religion populaire et l’ésotérique des Mystères qu’il interprète comme la religion de l’avenir [40]. Toland puis Warburton font prendre au discours sur les Mystères un tournant politique, la distinction entre le « peuple » et les « sages » se transforme en une distinction entre l’Etat fondé sur la religion populaire et la religion secrète de la vérité[41]. Le modèle penche même vers une tripartition entre la politique (l’Etat et la religion populaire), la morale (les Petits Mystères), la religion naturelle, c’est à dire la vérité (les Grands Mystères). Une anticipation de ce que deviendra la scission du religieux au 18ème siècle, partagé entre une religion révélée qui s’abîme dans les rouages de la politique et une religion naturelle pratiquée au sein des loges se réclamant de la vérité philosophique, de la morale et de l’universalisme. Ainsi la théorie des Mystères prend un sens éminemment politique en ce siècle des Lumières où se dessine peu à peu un Etat dont l’un des ressorts principaux est la religion populaire alors que la vraie religion, celles des Mystères et de l’Etre suprême, doit être pratiquée dans le secret des loges et préservée pour ne pas s’altérer en se répandant dans la société profane. Les loges sont garantes de la morale et de la vérité, tandis que « la tromperie des prêtres dénoncée par la critique athée de la religion devient une tromperie des princes [...] »[42].
Dans le quatrième volet Assmann étudie la marche de la religio duplex au sein de la franc-maçonnerie et des sociétés secrètes. Les franc-maçonneries européennes se sont constituées comme des sociétés basées sur le secret, l’initiation, la hiérarchie, la transformation spirituelle. Sous l’influence des romans de formation, tel le Télémaque (1699) de Fénelon, ou initiatiques du début du siècle, ces ingrédients ont été « retrouvés » par les frères à travers les signes et symboles égyptiens sur lesquels ils projetèrent leurs idées. Les questions portant sur les effets psychologiques de l’initiation et la compréhension des rituels ouvrirent la porte des loges à une actualisation des Mystères antiques et de leurs secrets, mettant en évidence l’alliance, caractéristique au XVIIIe siècle entre les Lumières et le secret[43]. Ces romans évoquent un merveilleux oriental auquel se mêlent apparitions, métamorphoses et prodiges. Cette vogue, essentiellement d’origine littéraire, a contribué à relancer au sein des sociétés maçonniques l’engouement pour les cultes à mystères de l’Antiquité, spécialement ceux des Egyptiens. L’Egypte considérée comme le summum de toutes les connaissances religieuses et magiques, au point que l’époque y voyaient une combinaison de la tradition biblique et de la sagesse grecque, annonçant la venue du Christ ; l’Egypte, où Platon se serait rendu pour recueillir une sagesse qui remontait à Hermès. Deux œuvres, de nature assez différentes, présentent un intérêt particulier. Les voyages de Cyrus et un roman français du début du siècle, Séthosde l’abbé Terrasson, publié en 1730. Ce roman, que l’auteur présente comme la traduction d’un manuscrit grec avec l’apparence d’un traité érudit avec ses nombreuses notes, prétendait exposer les initiations aux mystères égyptiens dispensés dans des lieux souterrains qui se trouvaient sous les pyramides, identifiés aujourd’hui comme des tombes, mais interprétés au XVIIIe siècle comme des lieux de culte. Assmann souligne que l’invention des rituels égyptiens d’initiation par Terrasson fut un coup de maître en matière de fiction littéraire, car la plupart des lecteurs, en particulier les francs-maçons, sont tombés dans le piège, comme le prouve le passage suivant relatif à l’histoire de l’initiation, tiré de l’Instruction des Grands Profès de Willermoz :
Vous avez vu, Mon Cher F. par cet exposé sur les initiations, qu’elles employèrent toutes des emblèmes et des allégories pour exercer l’intelligence des Aspirants, et les préparer au développement des mystères, qui en étaient l’objet. Ainsi la forme triangulaire des Pyramides, qui couvraient en Egypte les souterrains destinés aux initiations, les proportions et les décorations de ces souterrains, la forme et le nombre des chemins, qui y conduisaient, toutes les cérémonies qui y étaient observées, offraient à l’aspirant un sens mystérieux, relatif à l’objet principal de l’initiation, sa pénétration, sa constance et sa fermeté dans les épreuves, l’avançaient plus ou moins vers le dernier terme ou le faisait reconnaître incapable d’y parvenir.[44]
Mais, pour les sociétés secrètes, l’intérêt pour la théorie des Mystères ne se limita pas au dualisme entre morale et politique [45]. Pour Assmann la vraie frontière est ailleurs. Certes, chez Warburton, dans les Petits Mystères, c’est bien de morale qu’il s’agit, mais qu’est-ce qui est perçu dans les Grands Mystères ? Dans les Grands Mystères il y a d’une part un aspect négatif : une « désillusion », d’autre part un aspect positif : une « vision ». Qu’est-ce qui était vu au XVIIIe siècle là-dessous ? Dans les textes, ce qui se présentait sans voile à la vision est décrit à l’aide des concepts de « nature » et de « vérité » : Clément d’Alexandrie parle du « sanctuaire le plus intérieur de la vérité ». Chez Plutarque, dans le célèbre passage du Livre IX du traité Isis et Osiris, dans lequel, Isis, assimilée chez les Egyptiens à la « Nature », déclare : « Je suis tout ce qui fut, ce qui est et ce qui sera ; aucun mortel n’a soulevé mon manteau ». La Nature étant comprise au sens de nature invisible (natura naturans), non au sens de la nature visible (natura naturata). Elle est ce qui comprend tout, « le voile dans lequel la divinité, qui est Un et le Tout, s’enveloppe pour se manifester »[46]. Or étant entendu qu’au XVIIIe siècle Nature et Raison étaient liées par un rapport constant[47], la frontière qui va s’imposer est celle qui passe entre la foi et la raison et sépare le Dieu des Pères du Dieu des philosophes, la religion de la révélation et la religion de la raison. L’opposé de « nature » s’appelle « révélation » (revelatio : l’acte consistant à soulever le voile). Telle sera la dialectique de la révélation et de la nature qui permet de comprendre la signification que l’idée de religio duplex, et donc des Mystères égyptiens, a revêtue pour le XVIIIe siècle [48]. L’initiation aux Grands Mystères, destinée à ceux qui sont capables de la supporter, devient synonyme de désillusion et d’accès à la Vérité, de connaissance « du Dieu unique, invisible et sans nom [...] né de lui-même et auquel toutes les choses doivent leur existence »[49].
La suite de l’étude d’Assmann consiste à montrer comment s’est traduit le concept de religio duplex, en particulier au sein de la franc-maçonnerie allemande dans le dernier quart du 18ème siècle, dans les œuvres de Schiller, Lessing (1729-1781), Moïse Mendelssohn (1729-1786), dans l’opéra de Mozart, La Flûte enchantée. Dans sa conclusion il cherche à identifier, en s’appuyant sur les sources elles-mêmes, si ces conceptions d’un dualisme intra religieux, perçu comme tel de l’extérieur, existent réellement au sein même des religions et si la structure de la religio duplex est uniquement un phénomène qui appartient au passé, ou si cette forme de religion possède au contraire une actualité et une pertinence pour le présent, et même pour l’avenir de la ou des religions[50].
Notes :
[1] Jan Assmann, Religio Duplex, traduit de l’allemand, Aubier, Flammarion, 2013.
[2] Par religion « positive » il faut entendre une religion qui se réclame d’un canon d’écrits révélés et de leur interprétation orthodoxe.
[3] Religio Duplex, 15.
[4] Ibid
[5] Religio duplex, 31.
[6] Religio duplex, 39.
[7] Religio duplex, 42.
[8] Religio duplex, 42.
[9] Religio duplex, 43.
[10] Religio duplex, 43.
[11] Religio duplex, 46.
[12] Religio duplex, 48.
[13] Pour comprendre l’origine de l’écriture nous renvoyons aux Dossiers d’Archéologie : « L’écriture et ses diverses origines », Revue Dossiers d’Archéologie N° 260, Février 2001.
[14] Dont il précise le sujet : « ...Je chante / La peur, la faim, la Soif et la Joie éclatante / Qu’éprouva notre antique et célèbre Cité / Lorsqu’un reptile impur par l’Egypte enfanté, / Vint sans quitter Memphis jusqu’aux bords de la Seine ». Memphis est la vieille capitale de la Basse-Egypte.
[15] De l’esprit des choses, t. 2, 105.
[16] Religio duplex, 56.
[17] Religio duplex, 57, note 4: M. Halbertal, People of the book, Cambridge (Mass.), 1997, p. 34.
[18] Religio duplex, 61.
[19] Religio duplex, 59.
[20] Eusèbe, La Préparation évangélique, VIII, 10, 18.
[21] Allusion à Galates 3, 24 : « La loi a été notre surveillant, en attendant le Christ, afin que nous soyons justifié par la foi ».
[22] Religio Duplex, 63.
[23] Religio Duplex, 15.
[24] Religio Duplex, 67.
[25] Religio Duplex, 73.
[26] Religio Duplex, 73. Assmann signale que cette théorie antique de la religion secrète trouve sa plus belle expression dans l’Evangile de Philippe, texte gnostique d’Egypte qui nous est parvenu en copte (Evangile selon Philippe § 67, Ecrits gnostiques. La bibliothèque de Nag Hammadi, La Pléiade, Paris, 2007, 360) :
« La vérité n’est pas venue dans le monde nue,
Mais c’est en types et en images qu’elle est venue.
Il ne la recevra pas autrement ».
[27] Religio Duplex, 73-75.
[28] Religio Duplex, 82.
[29] W. Warburton, The Divine legation of Moses demonstrated on the principles of a religious deist, from the omission of the doctrine of a future state of reward and punishment in the Jewish dispensation, Londres, 1738-1741. Traduction allemande en 1751-1753 par Johann Christian Schmidt.
[30] La pensée européenne au XVIIIe siècle, 89.
[31] Religio Duplex, 84.
[32] Terme d'antiquité grecque. Celui qui était arrivé au troisième et dernier grade dans l'initiation aux mystères d'Éleusis.
[33] Le mot n’existe pas mais le verbe dessiller signifie ouvrir les yeux, voir ce qui est caché.
[34] « Ici, l’âme est sans connaissance, sauf lorsqu’elle est près de la mort. Elle fait alors une expérience comparable à celle que font ceux qui se soumettent à l’initiation aux Grands Mystères », Plutarch’s Moralia, vol. 15, fragment 178, Cambridge, 1969.
[35] Religion duplex, 86-87
[36] Ibid.
[37] Warburton emprunte cette vision de la vérité à Clément d’Alexandrie, Stromates, V, 7, 41, 1. « L’Un qui est né de soi et auquel toutes choses doivent leur existence », Clément d’Alexandrie, Protreptiques, in Religio duplex, 87.
[38] Religio Duplex, 91.
[39] Religio Duplex, 93
[40] « L’opposition entre ce qui est public et ce qui est secret continue à exister, mais elle perd le caractère antagoniste, et même carrément dualiste, que lui avait conféré Warburton avec son opposition entre la fiction et la désillusion. Les pôles sont maintenant occupés autrement ; ils sont compris tous deux de façon positive. Ils ne s’appellent plus religion populaire et religion des arcanes, mais mythologie et mystère. Dans la mythologie, la vérité ou la divinité se fait connaître d’une façon universellement communicable, mais symbolique ; dans les Mystères, elle se fait connaître comme une idée abstraite, intelligible seulement pour la pensée. Il ne s’agit plus de la juxtaposition de deux religions dans le cadre d’une seule et même culture et d’une seule et même société, mais d’une religion compatible avec les différentes formes de participation, ce qui correspond au modèle platonicien », Religio duplex, 94-95.
[41] Religio Duplex, 95.
[42] Religio Duplex, 95.
[43] Religio Duplex, 107.
[44] Instructions secrètes aux Grands Profès, 1026.
[45] Religio Duplex, 112.
[46] Religio Duplex, 113.
[47] Cf. La pensée européenne au XVIIIe siècle, Chapitre II, « Nature et Raison », 280.
[48] Religio Duplex, 113.
[49] Phrase citée par Assmann dans Moïse l’Egyptien, 164, empruntée à un Hieros Logos orphique que l’on rencontre chez un grand nombre d’auteurs patristiques ou antérieurs.
[50] Religio Duplex, 190.